Togo : Emmanuel Kavi, le peintre « flouïste »

Les tableaux d’Emmanuel Kavi séduisent de plus en plus le public grâce à la qualité indéniable de son travail. A Paris, Amiens, Ouagadougou, Bamako, Genève, ses œuvres sont bien accueillies car elles suscitent beaucoup de curiosités, de questionnements sur le choix des couleurs, les matériaux utilisés. Il a pris l’option de travailler sans esquisses ses couleurs à base de végétaux, de la terre et de s’abstenir des produits chimiques. On y découvre des matériaux naturels comme le henné, le sable, l’argile, la paille et le gravier, ce qui donne un relief à son travail qu’il qualifie lui-même de « flouisme »

Le flouisme d'Emmanuel Kavi
Les danseurs d’Emmanuel Kavi 100cm/80cm

Justifier le choix de ses matériaux, c’est remonter à ses débuts au Togo et à Ouagadougou au Burkina Faso où par manque de moyens pour se procurer les peintures, il s’est tourné vers cette nature qui produit tout et qui l’a aidé à se scolariser. Il a fait ses études primaires à Tsévié où il a été lauréat du meilleur dessin, études secondaires au Collège Polyvalent de Kpalimé sanctionnées par un Bac. A Kpalimé, il a dû travailler dans les champs pour se scolariser. Ce contact dur avec la terre l’a marqué au fer rouge dans la peau. Il a voulu dompter cette terre rebelle devant ses houes et ses coupe-coupe et finalement il a fait corps avec elle, à travers sa peinture. Ces matériaux se sont imposés à lui pour préserver « la nature, l’environnement », selon ses termes.

Emmanuel Kavi a transformé sa passion en métier. En suivant l’évolution de son travail, on s’aperçoit qu’il a d’abord été inspiré par Paul Ahyi et surtout par l’Ecole de Lomé dans les années 90 dont les grands maitres demeurent Sokey Edorh et Kossi Assou, avant de trouver finalement son écriture personnelle.

Ses premières œuvres étaient des tableaux du style figuratif illustrant des scènes de la vie quotidienne dans les villes africaines comme Lomé, Ouagadougou entre autres, les gares, les marchés,… Puis son style est devenu abstrait. Ses tableaux du début épousaient aussi le cubisme propre à Picasso qu’il ne connaissait pas et qu’il découvrira plus tard. Alors, il a pris la décision de s’orienter vers une forme de photographie du réel dégradé. « Mon premier style qui est le figuratif commençait à me hanter, et du coup j’ai fait la fusion des deux (le figuratif et l’abstrait). J’ai choisi d’appeler ce style pictural le flouisme. » Il définit le  « flouisme » comme « un style et un concept qui pousse les gens à prendre leur temps devant une œuvre d’art et la lire profondément. Le mot flouisme vient du mot flou en Français et de kpo flou en Ewé (parole incantatoire) qui finalement converge vers le même sens. Spirituellement parlant le flouisme permet de nous donner le temps, de méditer, de s’écouter. C’est la passerelle entre la conscience et l’inconscience, l’éveil et le sommeil. Bref, le flouisme, c’est finalement être présent au présent. » confie-t-il à Togocultures

Emmanuel Kavi Le joueur de Balafon(94cmx93cm)
Emmanuel Kavi Le joueur de Balafon(94cmx93cm)

Par ce style Emmanuel Kavi puise la forme entre l’abstraction, le figuratif et les symboles. Dans certains de ses œuvres, on découvre des traces évoquant des peintures rupestres, des empreintes de graphisme. Il joue sur la texture, les matières, les lignes de forces pour rendre vivante cette écriture d’abstraction. La vie quotidienne, la relation humaine, la nature, la spiritualité, les enfants, des têtes de cheval ou de faucon, des monstres, des humanoïdes, des formes hybrides voilà quelques thèmes et symboles qui voyagent dans les peintures de ce Togolais vivant depuis un certain nombre d’années à Amiens en France. Il ne se démarque du monde des vivants et celui des divinités, on sent une sorte d’influence du monde pharaonique et du culte ancestral. Les lignes de forces et les couleurs prononcées fusionnent entre des univers et crée plusieurs correspondances, ce qui fait la singularité de l’écriture d’Emmanuel Kavi.

Kavi est un grand admirateur de William Turner, de Zao Wou Ki et surtout du peintre –sculpteur franco-togolais Yao Métsoko dont il ne tarit pas d’éloge : « Dans son atelier à Paris je retrouve ma culture et mes racines africaines. ». Les différents reliefs dans ses œuvres l’amènent naturellement à la sculpture : « J’aime la matière, et comme les matériaux que j’utilise est facile à trouver je n’en fais pas d’économie et au final mes toiles commençaient à ressembler à des sculptures et petit à petit je me suis lancé dans l’aventure sculpturale .C’est aussi une manière pour moi de ne pas casser le flouisme en voulant revenir sur le réalisme sur toile. »

Les lecteurs de Emmanuel Kavi actuellement exposés à Vichy
Les lecteurs de Emmanuel Kavi actuellement exposés à Vichy

Il prépare actuellement trois expositions pour la Galerie Beautiful’art à Vichy (France) et à Genève (Suisse) en Avril 2016 et et le 18 décembre 2016 à l’université Jules Vernes d’Amiens (France).

Emmanuel Kavi est un artiste prolifique qui se remet constamment en question. Il est au début de ses expériences avec la sculpture. Ses sculptures gagneront en fluidité bientôt et  épouseront à coup sûr le flouïsme. Kpo flou?

Gaëtan Noussouglo© Togocultures

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