La présidence d’Edem Kodjo (photo) au FIG 2011 a été incontournable et imposante. Edem Kodjo, né le 23 mai 1938 à Sokodé, diplômé de l’École Nationale d’Administration française (promotion Blaise Pascal en 1964), est un grand « cerveau » de l’intelligentsia africaine. Les applaudissements nourris et les bousculades à ses conférences et surtout sa dernière intervention à la Salle Yvan Goll de l’Espace Georges Sadoul le 7 octobre où trente minutes avant le début de son intervention la salle affichait complet et le reste du monde était refoulé en témoignent de façon éloquente. Plus de 5 interventions sont à l’actif du Président du FIG : L’ouverture et la clôture du FIG, deux conférences débat : « L’Afrique dans la Géopolitique mondiale », un Grand entretien à la Cathédrale de Saint-Dié animé par Antoine Spire et la table ronde à la Salle Yvan Goll de l’Espace Sadoul avec Sophie Bessis animé par Xavier Colin. Plus d’un millier de personnes ont suivi Edem Kodjo à Saint-Dié.
Quand l’ancien premier ministre togolais (1994-1996 puis 2005-2006), ancien secrétaire de l’OUA (1978-1983) et écrivain Edem Kodjo prend la parole de façon posée pour exposer ses points de vue sur des sujets pertinents du continent, un silence plat accueille l’homme. Il a un bagage impressionnant sur la vie politique, économique et sociale de l’Afrique et balaie tout préjugé occidental sur « son » continent. Le public est à la fois surpris et séduit de découvrir autre chose que l’écriture misérabilissime de l’Afrique et des Africains affichée aux télévisions européennes et brandit par les politiques qui veulent que leur électorat ait une image tronquée du continent noir. A la Cathédrale de Saint-Dié et au Salon du Livre, il a dédicacé deux de ses ouvrages : Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire éditions Gallimard et Au commencement était le glaive , éditions La table ronde. Les deux ouvrages ont été arrachés comme de petits pains à la Cathédrale comme au Salon du Livre présidé cette année par Alain Mabanckou.
Pour Edem Kodjo, la mauvaise santé de l’Afrique aujourd’hui est liée aux frontières érigées lors du partage du gâteau africain à la conférence de Berlin en 1884. Plusieurs peuples et ethnies n’ayant rien en commun ont été unis par ce partage. « Où sont les frontières ?Quelles sont-elles ? Comment sont elles réalisées ? Chaque frontière tracée a détruit les peuples. Au Togo les peuples sont écartelés comme dans plusieurs pays africains. Chaque Etat africain est une mosaïque d’ethnies. » affirme l’ancien secrétaire de l’OUA lors de son exposé sur « L’Afrique dans la géopolitique mondiale » au Grand Salon de la Mairie de Saint-Dié. La désunion et la pauvreté du continent africain s’expliquent aisément : « L’Afrique est un continent précaire, c’est-à-dire désuni. L’Afrique offre l’image désolante d’un puzzle. Pour devenir un état solide, il faut des communautés fortes. ». L’unité africaine peut aider à aller au-delà de cette précarité larvaire : « Il y a dans ce mot Afrique quelque chose de magique et prodigieux » a dit Alexandre Dumas. « L’Afrique possède une illusion de puissance, un immobilisme. Le chacun pour soi peut conduire à la débâcle » souligne Edem Kodjo.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les africains font des enfants n’importe où et à tout coin de rue, pour Edem Kodjo l’Afrique est manifestement un continent sous peuplé. « Il représente seulement 10% de la population mondiale. » Alors se pose cette question cruciale : « Comment mobiliser le développement de l’Afrique ? ». Pour le Président du 22e FIG, rien ne manque à l’Afrique : ni les hommes, ni les terres, ni les réserves, ni les industries aéronautiques et aérospatiales. Pour nourrir toutes ces industries toutes les ressources sont en Afrique. A la lumière de cet inventaire ; « Comment gérer tout ceci ? L’ordre construit depuis 500 ans par la force des armes tend à se maintenir par l’arme de la force. Il y a un paradoxe en Afrique : elle consomme ce qu’elle ne produit pas et exporte ce qu’elle produit. »
Edem Kodjo porte haut la flamme du Continent-Mère et brandit le drapeau de la mère patrie pour aider le continent à panser ses plaies et à se développer. On se demande pourquoi cet homme est controversé et incompris dans son pays où il a renoncé à la vie politique pour fonder la Pax africana. La paix et l’union constitueront sûrement le levier du développement d’Afrique.
Gaëtan Noussouglo © Togocultures