Sami Tchak, très à l’aise au Théâtre Granit de Belfort, doit présenter son dernier roman Al Capone le Malien devant un public conquis d’avance dans la Ville de Jean-Pierre Chevènement, la cité du Lion. Une professeur d’Université donne d’emblée son entière adhésion à la démarche et aux œuvres de Sami Tchak qui sont vivement recommandés à ses étudiants et qui ont de beaux jours dans la Médiathèque de l’Université de cette ville.
Le ton de la rencontre est donné. Jérôme Araujo, directeur des relations publiques du Théâtre Granit, Scène Nationale de Belfort, accueillant l’écrivain togolais lui demande les raisons qui l’ont poussé à écrire dans la langue de Voltaire. Pour Sami Tchak, le français est sa langue d’écriture naturelle. Si les écrivains français ou anglais ont choisi leur langue, la plupart des écrivains francophones d’Afrique n’ont pas eu ce choix. Puisqu’à 6 ans, l’enfant a été baigné dès le début de sa scolarité dans la langue du colonisateur, le français. Sami y trouve cependant, une fois adulte, dans cette langue imposée, l’écho de sa langue maternelle. Il a lu tous les auteurs en français : les Latinos, les Japonais, les Anglais, les Allemands… Son écriture, c’est le phrasé de l’oralité. Ecrire en français n’est nullement une manière d’être lue par un large public « Au Togo, le français est parlé par une minorité. Si j’avais le choix, j’écrirais dans ma langue Tem pour être lu par un grand nombre. »
Al Capone le Malien, un roman de frottement
Dans Al Capone le Malien, le balafon qui date de 1202 est présenté comme le Saint Graal. C’est la mémoire du peuple. Dans son 6e roman de Sami Tchak aborde le thème de la quête du balafon et parle de la situation de l’Afrique contemporaine. Cette nouvelle Afrique a une réalité très sombre marquée par la violence, la corruption, la prostitution, l’escroquerie. Dans « une langue de frottement », Al Capone le Malien devient le « noyau d’un atome d’uranium autour duquel gravite une myriade de personnage-électrons, tous sous l’emprise de son champ de force qui empêche toute fuite ». Une écriture marquée par l’onirisme et plusieurs métaphores. Al Capone pour Jérôme Araujo adopte une nouvelle écriture non connue par les Français et le roman devient un roman de frottement. Le rapport à la vie et à l’animiste est si fort que les temps entre le rêve et la réalité sont presque absous. L’auteur de Al Capone le Malien ajoute qu’en Afrique, le temps est magique, le rêve et la réalité se conjuguent à tous les temps. Juste le temps d’avoir rêvé qu’un individu te vole ton sexe, le cri du réveil ameute la foule et le coupable est lynché sans autre forme de procès. Le chauffeur de taximoto criant que son passager s’est transformé un instant en pigeon avec une cravate noire, comme au Nigéria, verra la foule lynchée dans l’immédiat le « sorcier ». L’écrivain Mario Morisi qui accompagnait l’écrivain a lu quelques extraits édifiants de Al Capone Le Malien.
Sami Tchak a toujours amené son village avec lui. Il a écrit 5 essais et 6 romans en 24 ans avec une moyenne d’un livre tous les 2 ans. De ses études sociologiques, il est passé à la fiction et scrute le vaste monde de l’écrivain qui ne saurait appartenir à un seul pays ou à un seul espace géographique. Il transporte dans ses œuvres l’extrême richesse de l’Amérique latine, son continent d’adoption. « J’ai toujours cru dans mon village que les morts reviennent les dimanches. Ce que je retrouve en Amérique latine. » L’Afrique et l’Amérique latine baignent dans une croyance vivace alors qu’en Europe, il ne retrouve que quelques survivances. Il avoue que ses essais et la sociologie se retrouvent au cœur de ses œuvres.
L’inhumain est dans l’humain
L’élément marquant le plus l’auditoire est cette propension de l’auteur à trouver l’inhumanité dans l’humanité. Après avoir présenté Sami Tchak, l’écrivain Mario Morisi en est venu à parler de ses essais et du travail de Sami à parler de l’inhumanité. Pour Sami Tchak, il n’y a rien d’inhumain dans le génocide ni dans la Shoah. Ce que contexte pour une courte durée une participante : La culture ne chasserait-elle pas l’inhumanité ? Non, selon l’auteur de El Capone le Malien ? Comment comprendre que du pays qui compte le plus de philosophe au monde, l’Allemagne, est né le nazisme ? Les Khmers rouges et les génocidaires rwandais ont fait de hautes études en France. « L’idée d’extermination n’est pas dans les sociétés primitives mais plutôt dans des sociétés dites humanistes. La part sombre est dans l’Homme. La raison est notre triste privilège. Car elle permet de fabriquer des scénarios à l’infini. ».
Sandamba Tcha-koura alias Sami Tchak est né en 1960 au Togo. Il vit en France depuis 1986. Il a reçu le Grand Prix Littéraire d’Afrique et le Prix Ahmadou Kourouma. La rencontre du 15 novembre à 19h30 au Théâtre Granit a été organisée dans le cadre duFestival Littéraire « Les petites fugues » par ce Théâtre et le Centre régional du Livre.
Gaëtan Noussouglo © togoculture
Découvrir le résumé du roman El Capone le Malien sur le blog de Gangoueus