L’exposition « Dzimakplao Les enfants de rue » de l’artiste peintre Foli Kossi Gérard TETE alias Tesprit Tété se tient du 12 mai au 4 septembre 2021 à l’Hôtel Onomo à Lomé, capitale du Togo. Depuis quelques années l’Institut Français de Lomé ambitionne de faire émerger les artistes surtout ceux qui sont dans l’ombre et de donner ainsi une chance à la culture togolaise de s’affirmer. Cet objectif est également partagé par l’Hôtel Onomo qui n’hésite pas à accueillir les talents que déniche l’Institut Français. C’est dans cette logique que les deux collaborations ont permis de découvrir l’ingénieux Tesprit et son exposition Dzimakplao. Tesprit y montre la grandeur, la beauté de l’art, son importance et son engagement. Il dénonce le grand problème de la prise en charge, des conditions de vie et de l’éducation des enfants de rue et en même temps propose des solutions aux problèmes de pauvreté et d’éducation des enfants. Le mercredi 12 mai 2021 à 18h30 a eu lieu à l’Hôtel Onomo de Lomé le vernissage de cette exposition Dzimakplao.
Dzimakplao est un nom éwé- mina du Sud du Togo qui veut dire littéralement « ceux qui sont nés et n’ont reçu aucune éducation », des malpolis ou malappris, le raccourci est vite trouvé pour endosser ces responsabilités aux « enfants de la rue » reconnaissables aisément à leurs habillements ou à leurs chaussures. Tesprit Tété l’a d’ailleurs traduit « Les enfants de la rue » et mentionné sur l’affiche. Ce nom, on le donne aussi à la tong, sandalettes estivales très populaires au Togo et dans d’autres pays, puisqu’elles sont portées pour être à l’aise, à n’importe quel endroit. Avec elles, on peut marcher partout où on désire. Elles sont à la portée de n’importe quelle bourse, ce qui n’est pas le cas des baskets ou des autres chaussures. Elles sont appelées Dzimakpla parce qu’elles vous lâchent au moment où vous vous y attendez le moins. Couverts de honte au beau milieu d’une foule, vous ne savez même pas à quels saints ou cordonniers vous vouez. Ainsi, penser à faire une chose remarquable avec ces tong, « malpolies, malapprises », est louable car la démarche est unique en son genre.
En effet, Tété a ramassé les Dzimakplao déjà portées et même quelques-unes usagées sur les dépotoirs de Lomé (capitale du Togo), les a recyclées, lavées, coupées, assemblés par couleur, catégorie et a fini par en faire de vrai chef d’œuvres. Des tableaux très jolis, parlants et uniques.
Pourquoi Dzimaklao ?
A la question : « Pourquoi ce thème Dzimakplao à ton exposition ? », Tesprit répond, d’abord par « Agbé yéyé », une chanson populaire dans les églises de Lomé, qui signifie « nouvelle vie », et ensuite en avouant : « sincèrement, je me suis retrouvé sans moyens pour acheter mes outils de travail (peintures, pinceaux…) alors, à la question comment faire ? que je me posais, la réponse m’est venue comme soufflée par l’esprit d’utiliser des sandalettes usées. Et voilà le résultat » Ce travail de recyclage est aussi né de la crise de la Covid-19, période dans laquelle, privée de ses ressources financières, l’artiste a été contraint de se réinventer en utilisant des matériaux plus accessibles ayant un rapport direct avec la condition de vie des hommes dans la société, confie-t-il.
« Comment a-t-il a procédé ? » « Avec quoi a-t- il a fixé les matériaux sur la toile ? » « Il a trouvé les idées où ? » « Cela nécessite beaucoup de temps hein !!! » « On peut toucher ? » « On peut faire ça aussi ? » « Dzimakpla tsan ? (Tong aussi ?) » Sont les quelques questions qu’on se pose devant ces tableaux hors du commun de Tesprit. On peut distinguer le contour des tongs neuves ou usées qu’il a gardées exprès dans les tableaux, de même que leur couleur. Les tableaux nous parlent des difficultés, des contraintes que rencontrent les enfants dans la rue et comment un individu ou une association pourra s’y prendre pour les récupérer, les ramener à la maison et leur donne une nouvelle vie ou une nouvelle chance dans la vie. A chaque toile, un nom évocateur : « Soucis d’enfant », « Kpatcha et Toyi », « Afi et Koffi », « Akossiwa », « Dédé », « La joie de vivre », « Elavanyo », « Evalou » etc.
L’artiste a été très méticuleux dans le découpage et l’assemblage des sandalettes de sorte à faire remarquer les habits, les culottes, les cheveux coupés ou tressés avec ou sans chouchous, les bracelets au poignet, les boucles d’oreilles, les nourritures, les fruits que doivent vendre les enfants pour pouvoir se nourrir. Tout cela traduit si bien le vécu de ces enfants-là qui se confient à nous à travers ces tableaux. On est à la fois émerveillé devant autant de talent et on a la chair de poule devant l’expression des toiles, le message véhiculé par l’auteur à travers elles. Comme il l’a dit lui-même : « j’espère que mes enfants vont vous parler et vous convaincre de les adopter ». Que d’émotion ! On en a même des larmes aux yeux. Etre artiste peintre c’est surtout donner de l’émotion à travers un tableau et aller au-delà du beau. C’est justement ce qu’a su faire Tesprit Tété.
Elodia Noussouglo