Gaëtan Noussouglo et Bernard Müller séjournent en Allemagne pendant deux semaines pour visiter les réserves des musées ethnographiques et recenser les objets togolais issus de la frénésie de collecte coloniale. Cette enquête amorce un processus de trois ans, financé pour Togo Cultures par l’Institut Marc Bloch (Berlin), le Rautenstrauch-Joest Museum (Cologne) et l’Université de Nanterre. Il s’agit du deuxième projet de création mené par la compagnie cette année, après Cabaret Brésil-Zomayi de Kangni Alem, une forme contemporaine de concert-party revisitée autour du thème de l’esclavage sur la côte ouest-africaine.
Rematriation ou bruits de cuisine met en scène la colonisation à travers le regard et la voix d’artistes togolaises, à partir d’une sélection d’objets ordinaires issus des collections ethnographiques françaises, allemandes et britanniques.
Qu’elles soient françaises ou allemandes, les bases de données existantes révèlent que, pour le Togoland et le Togo, la majorité des objets collectés entre 1880 et 1960 sous l’administration coloniale sont des objets du quotidien : vêtements, armes, ustensiles de cuisine, outils agricoles, pièges, poteries, objets rituels, fétiches, armes de chasse, photographies. Ces objets banals, saisis dans un contexte de domination, éclairent la vie quotidienne dans les campagnes, et en particulier les sphères intimes souvent organisées par les femmes. Pourtant, les récits qui les accompagnent sont le plus souvent formulés par des hommes et privilégient des objets de pouvoir à caractère patriarcal.
Ce projet vise à inverser cette tendance. Il s’agit de revaloriser les voix féminines, de faire émerger des récits à partir de leur point de vue, autour des circonstances d’acquisition de ces objets. Nombre de ces objets sont liés à des savoir-faire – parfois oubliés, parfois encore vivants – qu’il est essentiel de réactiver : recettes, pharmacopées, soins de beauté, et autres formes précieuses de connaissances.
À partir d’une sélection d’objets identifiés dans les collections des anciennes puissances coloniales (France, Allemagne, Royaume-Uni), le projet recueillera des récits contemporains de femmes, en lien avec les histoires que ces objets réveillent ou convoquent. Le processus, que nous appelons Rematriation, consiste à reconnecter les objets à leurs contextes culturels et narratifs d’origine, en leur redonnant souffle à travers des paroles vivantes.
La méthode, relevant de la recherche-création, associe enquête de terrain (collecte de récits mémoriels) et création scénique. Les récits collectés donneront naissance à des spectacles de petite forme (Racontottes), mis en scène par Gaëtan Noussouglo, accompagné ultérieurement de Marcel Djondo, et portés par trois jeunes artistes-comédiennes-chercheuses actuellement très engagées : Hanifa Dobila, Marypab Lamboni et Félicité Notson Kodjo-Atsou.
Gaëtan Noussouglo©Togocultures