Quand l’artiste de la Chanson Otoufo rencontre Atouts d’Afrique

Parlant de la musique togolaise, il est de bon ton d’évoquer les pionniers comme Bella Bellow et Akofa Akoussah qui ont laissé le flambeau à une pléiade d’artistes de la chanson tels qu’Afia Mala, Fifi Rafiatou, Jimi Hope, King Mensah, Eric MC entre autres. La musique togolaise aujourd’hui a le vent en poupe et ceci grâce aux artistes de la chanson dits de la nouvelle génération. Cette réalité fait de ce secteur un maillon assez dynamique de la culture togolaise avec des acteurs de plus en plus talentueux, portés par un public de jeunes pour la plupart qui apprécie et consomme la musique aux couleurs nationales. Ce sont pour les plus représentatifs les Toofan, The Seeds, Almok Omar B., et beaucoup d’autres encore. Par la même occasion, on peut noter la montée d’une véritable fine fleur de cette musique togolaise qui a atteint presque une certaine reconnaissance nationale mais qui est toujours en quête d’une vraie carrière professionnelle : la belle et talentueuse Vianney Adjovi Otoufo.

  1. Ses premiers pas et ses premiers essais:

Albert Camus a reconnu qu’ « il n’est de vraie création sans secrets »[1]. Des effluves de chanson émanaient d’Otoufo depuis l’enfance, à l’école primaire, ce qui s’est épaissi au fil de son cursus scolaire à la mission Catholique d’Atakpamé jusqu’au lycée de Tokoin à Lomé à travers l’organisation de récital durant les semaines culturelles dans les années 90.Tout ceci lui a permis de forger plus tard sa voix et sa personnalité au service de cette passion musicale.

Etre choriste de l’artiste King Mensah était devenu son rêve. Elle a multiplié des tentatives infructueuses dans ce sens dans un premier temps. Mais un autre rêve va se réaliser : celui de chanter dans le chœur de la chanteuse Fifi Rafiatou au début des années 2000. Le bar-restaurant le Mandingué lui avait offert cette chance car ayant servi de cadre aux répétitions pour un concert de Fifi Rafiatou, concert qui était diffusé en direct sur la radio Métropolis. Vianney Adjovi Otoufo avait assuré le chœur aux côtés d’une autre artiste de la chanson, Vanessa Worou. Le succès de ce concert l’avait véritablement relancée et c’est justement ce qui lui avait permis enfin d’approcher King Mensah et de faire partie de ses choristes.

  1. Une véritable carrière de choriste:

Otoufo fut choriste de King Mensah de 2000 à 2003 à travers une série de prestations sur le plan national et dans la sous-région. Rôle qu’elle avait continué par jouer cette fois-ci avec les jumeaux Assou et Sèvi l’année suivante lors d’un concert géant de ces derniers au Palais des congrès de Lomé.

Sur les traces de la Capverdienne Césaria Evora, Otoufo a chanté en accompagnant des orchestres de variétés dans des bars, restaurants et hôtels de Lomé en interprétant des chansons en vogue ou des classiques. Elle a successivement chanté à El Meze ; Piano bar ; Hôtel Balkan ; Hôtel Sarakawa ; le Gallion et le Rêve entre autres où elle a eu à affûter ses armes.

C’est ici qu’il y a lieu de donner raison à la Sénégalaise Fatou Diome qui reconnait : « Tous les virus ne mènent pas à l’hôpital. Il y en a qui se contentent d’agir en nous comme dans un programme informatique et le bug mental, ça existe.»[2]

3. La collaboration avec « Atouts d’Afrique »:

Ce n’est qu’après ce riche parcours qu’Otoufo a pris enfin la décision de s’affranchir des autres. Comme le dit si élégamment l’écrivain congolais Sony Labou Tansi, « Nous tous, nous marchons, mais à l’intérieur de l’acte de marcher, chacun a sa démarche personnelle…»[3] Cependant il a ainsi fallu attendre 2013 avant que la chanson « Datim » (‘laisse-moi tranquille’ en mina) ne naisse avec le concours et l’assistance de l’ingénieur de son et arrangeur Edemos. La touche véritablement professionnelle a été obtenue grâce à l’appui technique du manager de King Mensah, Landry Têko et avec surtout la collaboration du manager délégué Stan Nouloloé. Sous la bannière de « Atouts d’Afrique » de Landry Têko, le clip de la chanson « Datim » a été réalisé en septembre 2014. Ce premier morceau révèle au grand jour la qualité de la voix d’Otoufo, une voix qui rappelle celle de la Star du Burundi, Kadja Nin. Le clip passe déjà avec beaucoup de succès sur certaines chaines de radio et de télévision. Les mélomanes avertis peuvent la comparer aux classiques comme l’exprime si bien Fatou Diome « Rendez- moi Piaf, Brel, Brassens, Barbara et Gainsbourg, qui savaient faire couler leurs chansons comme autant de sources limpides (…) Là, une douce goutte de français vous tombait dans l’oreille puis sur le bout de la langue pour ne plus jamais vous quitter. »[4] La chanson dénonce l’envie, la haine et la médisance inhérentes au genre humain. La mélodie est un mélange de sonorités issues des instruments traditionnels et modernes. Elle chante en mina, en akposso et en akébou (ses deux langues maternelles).

« Atouts d’Afrique » est une entreprise culturelle qui ambitionne d’être une véritable industrie musicale, un label de disques, en accompagnant les artistes de la production à la distribution en passant par la promotion et le management. Son crédo est de valoriser la pratique du « live » caractéristique de la vieille génération comparativement au « play back » relatif à une technologie avancée comme c’est le cas aujourd’hui dans le monde du showbiz et ainsi rendre compétitifs les artistes togolais sur l’échiquier international à travers les plus grands festivals et tournées. Grâce à « Atouts d’Afrique », Otoufo a été la révélation lors de la cérémonie de clôture du Festival International des Lucioles Bleues, Filbleues à l’Institut Goethe de Lomé le 30 juin 2015 dernier, et le FESMMA 2015 à Cotonou au Bénin. Le nombreux public était sous le charme de sa voix et de son talent. Albert Camus définit ainsi le charme : « Vous savez ce qu’est le charme : une manière de s’entendre répondre oui sans avoir posé aucune question claire. »[5]

En la prenant vraiment sous ses ailes, « Atouts d’Afrique » a le projet professionnel de lui faire enregistrer en studio trois (3) chansons avant la fin du mois de novembre 2015. Dans la foulée, des séances de percussion et des cours auprès d’un coach vocaliste finiront par faire d’Otoufo une artiste de la chanson au talent protéiforme dans la perspective des défis à relever. Pour l’heure, l’auteur de « Datim » est attendu à la fin de l’année pour une prestation dans le cadre des festivités qui vont marquer la célébration de la Journée internationale des Droits de l’Homme. Toujours à son agenda, la sortie de son premier album est prévue pour le mois de mars 2016 au plus grand tard. Ce sera alors une occasion pour lancer sa carrière professionnelle avec des concerts déjà annoncés. De ce point de vue, Esso-Wêdéo Agba ne nous démentira pas : « Qui n’avance pas, recule par la force des choses, ne serait-ce que parce que l’écart se creuse par le fait de celui qui avance. »[6]

En guise de conclusion:

On peut aujourd’hui dire d’Otoufo, sans le moindre risque de se tromper, ce qu’André Malraux a eu à dire de l’écrivain en général: « Ce qui importe est qu’avec les deux livres ensemble vous prenez place parmi les écrivains qui existent, qui ont une voix, bientôt une audience et une pensée. »[7] Les défis à relever par Otoufo sont grands et nous osons croire qu’à force de travail et d’abnégation, elle y parviendra armée de talent et d’ambition. Avec l’auteur de « Datim », ce sont les plus belles pages de l’histoire de la musique togolaise qui s’écrivent déjà !

Adama Ayikoué

[1] CAMUS Albert, Olivier TODD, Albert CAMUS, une vie, biographie, Paris, Gallimard, 1996, P. 11.

[2] DIOME Fatou, Le Ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, Paris, 2003, P. 12.

[3] SONY LABOU TANSI, Conversations congolaises, Alain BREZAULT Gérard CLAVREUIL, Editions l’Harmattan, Paris, 1989, P. 88.

[4] DIOME Fatou, Le Ventre de l’Atlantique, op. cit., P. 37

[5] CAMUS Albert, Olivier TODD, Albert CAMUS, une vie, op. cit., P. 641.

[6] AGBA Esso-Wêdéo, Les Germes étouffés, Editions Eburnie (Abidjan), Graines de pensées (Lomé), 2005, P. 295.

[7] MALRAUX André, Olivier TODD, Albert CAMUS, une vie, op. cit., P. 228.

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