Un artiste togolais ayant séjourné à l’étranger revient au pays et nous interpelle : « Pourquoi tout le pays est-il en chantier alors que vous vous ne mettez pas la culture en chantier ? » Passée la surprise de l’interpellation des professionnels que nous sommes, la formule ne manque pas d’intérêt : « Mettre la culture en chantier ». Quel grand chantier en effet ! Quels pourraient être les grands axes de ce chantier ? Qu’est-ce qui correspondrait à la lagune à excaver et à assainir, aux boulevards à rénover, aux quartiers à assainir contre les inondations culturelles que connaît notre pays à toutes les saisons ? Les contenus de nos médias ne sont pas produits par nous en totalité ; les films de nos télévisions sont des films étrangers ; les clips et les documentaires ne véhiculent pas nos contenus culturels… A quoi correspondrait le « grand contournement » de Lomé et des failles d’Alédjo pour permettre à nos routes de charrier vers l’hinterland et en toute sécurité nos productions culturelles et artistiques compétitives ?
On continuerait l’exercice et on trouverait des similitudes dans les deux chantiers : construire des routes pour moderniser un pays, pour bâtir une économie solide ; construire la culture, des salles d’exposition, des musées, des théâtres, y mettre des moyens pour contribuer à la visibilité du pays à l’extérieur, pour créer des emplois de sorte à juguler la pauvreté. Car des Adébayor et des Kossi Efoui font plus la renommée d’un pays plus que des routes qu’on ne voit qu’à l’interne. Certes, sans les routes, aucun développement n’est possible !
On peut par exemple activer le Fonds d’Aide à la Culture, sélectionner des manifestations et des événements culturels et les subventionner, activer également la coopération culturelle et des projets culturels de décentralisation…
Et puis, les chantiers de construction de route ouvrent de grands carrefours. Allons-nous bientôt les inonder encore de panneaux publicitaires géants ou alors penserons-nous enfin à y implanter des œuvres artistiques et culturelles, des monuments de la réconciliation et autres œuvres racontant notre histoire et reflétant notre identité spécifique, des œuvres qui montrent la créativité de nos artistes et la vitalité de nos arts ?
La communauté des artistes ainsi que les politiques sont interpellés. Il est temps de mettre la culture aussi en chantier : construire des infrastructures culturelles pour former les jeunes, faire des centres culturels, des conservatoires des arts, un théâtre national, ouvrir des festivals pour faire de la décentralisation culturelle une réalité ; réconcilier l’école avec le patrimoine et la culture à l’heure où l’incivisme gagne nos rues et risque de déborder…
A y voir de près, beaucoup de choses peuvent être faites, pourvu que nous le voulions également…comme nous avons voulu faire des routes et que cela rehausse du coup notre image à l’interne et à l’extérieur.
Cyriaque Noussouglo