Nasser Folly Bébé, musicien compositeur et arrangeur est issu de la lignée Guin des rois Folly-Bébé d’Aného et de celle de Nambiéma Bonsafo des Tchokossi du Mango. Cet homme d’une quarantaine d’année à l’allure fière a écumé la scène africaine et composé des musiques de films avant de quitter le Togo pour s’installer en Belgique.
Tout comme la plupart des artistes togolais, en l’absence d’écoles de formation artistique, il a commencé au Collège en imitant le Roi de la Pop, Michael Jackson sur scène et en live. Il s’inspire de Michael Jackson, Prince Nico M’Barga (Rocafil Jazz), Jean – Jacques Goldman, Boney M., Bee Gees, AHA, Scorpon, Christopher Cross, …
Le métier artistique n’est guère une valeur sûre pour les parents togolais, l’enfant doit finir sa scolarité pour être fonctionnaire, employé de bureau, médecin ou ingénieur. Nasser Ouatara Folly Bébé suivra des études d’informatique à l’Institut des sciences commerciales et parallèlement fera des accompagnements vocaux en studio avec des artistes togolais déjà connus. A la fin de ses études, enfin, le rêve des parents est réalisé, il travaille au Groupement Togolais d’Assurance. Le rêve d’enfant n’est pas pour autant totalement délaissé. Il est instrumentiste professionnel et chanteur au sein du groupe mythique Mélo Togo. Il laissera tomber le « travail des parents » pour poursuivre sa vocation. La Côte d’Ivoire lui ouvre les bras en 1993. En 1998, la consécration enfin pour l’artiste avec la naissance du groupe, Intuition, avec l’artiste belge Annick Van Essche et un Ivoirien Victor Boua et la sortie de l’album « Mon choix », style afro-pop avec des influences européennes et africaines. Il enregistre en 2004 dans un studio en Belgique en solo l’album « Dédicaces ». Dans le pays de Félix Houphouët-Boigny, il compose de la musique pour les compagnies théâtrales entre autres Nzassa de Fargass Assandé, Golem Théâtre, Gasca, joue avec les comédiens et assure la musique pour deux téléfilms en 2001 : Les déboires de Salifou Fantastique Fanta. Cette phase de son travail artistique est brisée de nouveau par la famille. Non pas par sa famille génétique mais par sa vie de couple en danger ! Il avait un dilemme : rejoindre en Belgique sa femme avec laquelle il s’est engagé depuis 10 ans et vivre sa vie de couple de façon intense ou rester en Afrique et perdre l’amour de sa vie. Il opte pour la première solution. Il laisse l’Afrique, s’accroche à l’amour et à l’obligation familiale. Sa vocation en tant qu’artiste n’est pas pour autant délaissée. Dans son nouvel espace de vie, la musique est toujours son univers. Il compose avec un groupe de musique la chanson « Heb Het Lief » qui sera présélectionnée à l’Eurovision en 2007.
Le travail solitaire du Prince togolais continue. Il a un studio d’enregistrement et produit actuellement un artiste togolais nommé Dyss. En bon Togolais, il doit encore poursuivre ses études pour posséder des diplômes, même s’il connaît très bien son métier. Le diplôme, pour les Togolais, est l’essence de la vie. C’est une nécessité absolue de finir ses études, engranger des diplômes pour mériter sa place au sein de la société et respect des togolais. Il a donc opté pour une école d’ingénierie de son et chose curieuse parallèlement il se forme en restauration. Ce Prince concilie l’art musical à l’art culinaire car il fait la musique pour les clients à des occasions exceptionnelles. En temps de crise, il faut affiner sa stratégie, les artistes en occident perdent leur statut et doivent se reconvertir. En temps de crise, les gens ne s’arrêteront jamais de manger dit-il stoïquement.
Le Prince togolais vivant dans le royaume belge est une personnalité forte, un philosophe, un militant pacifique : « Les immenses budgets consacrés aux armes pourraient être utilisés pour combattre la maladie et la misère dans le monde, c’est possible, c’est une question de volonté. Mais l’amélioration des conditions de vie n’est pas seulement l’affaire des chefs d’état, elle dépend de chacun d’entre nous ». Peut-être un jour, le Togo sera transformé, les artistes respectés et soutenus et le doublement prince togolais retrouvera ses royaumes dans la cohésion et l’unité.
Gaëtan Noussouglo ©Togocultures