La poésie de Gnoussira Analla est une dramaturgie de mots et d’images ; elle recherche l’hymne d’un nouvel-être-au-monde comme unique souffle qui rallie l’être à lui-même, l’unique chemin qui conduise dans les dédales de l’inconnu, de l’inconnaissable, de l’insaisissable et de l’ignorance. Ses nombreux recueils encore inédits : A Tue-tête, Transhumance,Génération spontanée, Abracadabra, etc. autorisent l’appréhension du projet d’une poésie qui laisse tout se dissiper dans le souffle même du poème pour donner libre cours à une exaltation symbolique du langage.
Génération spontanée
Planning familial, contraception individuelle…
Nous sommes les enfants terribles
de l’holocauste programmé
Géniteur et ordinateur ne font pas bon ménage
Nous avons choisi notre camp
au diable les adeptes du quand
Génération du plaisir de l’anticonformisme
des émotions fortes et du suicide à retardement
La drogue nous monte à la tête
et le mal du siècle nous fait la part belle
Nous ne fûmes pas nés pour connaître
les joies d’être grands-parents
Nous voici les sanglés du ventre
Les cinglés à contre-cœur
bandés comme des chevaux en rut.
Marathoniens à toute épreuve
nous battons tous les records de témérité
autant que de manque d’assurance
Mais on s’en fout tant qu’il y a la quête !
Que voulez-vous qu’on fasse de vieux prophètes
de malheur et des assassins de la fête ?
Ils n’ont pas eu la vie facile, ils sont bien aigris
comme une collision de pétanque !
On nous dit que l’avenir nous appartient
nous l’assumons comme un suicide
Chacun a le droit de choisir sa voie
nous voici génération de la déperdition !
Pas besoin que des loques vivantes
nous fassent la morale
Nous avons économisé plein de larmes
pour le dernier face-à-face avec la vie
Quand en ce jour de catastrophe
l’alerte sera donnée
nous répondrons présents sans rechigner
Avec tout notre cortège de bonnes intentions
et notre attirail de porte-malheur au grand complet.
Et nous dépasserons la femme en sanglot
sur son sort sans nom
au nom de quelle vie ratée elle ne sait
et nous raillerons le môme à l’abandon déjà
groggy sous l’effet de la trahison
et nous bousculerons le pauvre lourdaud
qui se prend pour Rambo.
Génération Kamikaze en route
pour la dernière revue
jeunes nous mourrons pour avoir vécu
Génération de la croix
Génération de la énième venue !
Gnoussira Analla
Nègre en papier
Nous ne sommes pas nés
de l’holocauste de la négritude
Nos origines se mesurent aux faveurs des bidonvilles
Aux lassitudes des bantoustans
On nous reconnaît à notre odeur qu’est pas d’ici
Nous tentons le peloton d’exécution
au nom de la survie
Nous ne protestons pas
Nous testifions
Nous pestiférons
Pour nourrir les débats politiques
A défaut de prendre la bastille
Nous prenons notre conscience
Intègre de tout silence
La vie à demi-mot
A huis clos
Nous restitue mot à maux
Elle nous embrase nous encombre
Nous qui avons su dompter la faim
Et assassiner la fête nous dont la vie
Traîne par terre – navire de terre –
Vers de terre mes frères, vivre c’est quoi même ?
Mourir un peu ou vivre à titre posthume ?
Etre ou ne pas naître ?
Vivre nous convie à la grève des fantômes
Et le pas raide de courbature
Il veille sur son bonheur au rabais
Gnoussira Analla
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