Dans le gros livre collectif de 521 pages dirigé par Sélom K. Gbanou, Sénamin Amedegnato, à Bayreuth par Bayreuth African Studies, en 2006 et intitulé Écritures et mythes. L’Afrique en questions – Mélanges offerts à Jean Huenumadji Afan, Rogo Koffi Fiangor nous avait déjà donné à lire un petit recueil de poèmes. Voir page 467. (http://www.fabula.org/actualites/article13641.php ISBN : 3-927510-98-X, 20 €), Nous attendions impatiemment qu’il publie un recueil mais il traîne les pieds. Allez savoir pourquoi ! Au détour du Printemps des poèmes qui dure du 8 au 21 mars 2010, nous lui avons tendu la perche. Il nous donne à découvrir ici cinq textes. Nous vous donnons à lire deux de ses textes.
CHAUD ET FROID AU TOGO de Rogo Koffi Fiangor
Il fait froid et gris dehors
Mais il fait chaud et beau.
Et tout palpitant dans mon eau
Je ressens la vie en degrés Celsius.
Dans mon corps brûle un feu
Qui refroidit mon océan de désirs
Et allume le feu de tous mes sens.
Au congélo de mes émotions
Toutes conservées en morceaux givrés
Se détachent de gros blocs diffus
Qui, comme des icebergs abandonnés
Par l’effet de serre et le dérèglement,
Se désolidarisent de l’ensemble.
Pour croquer à pleines dents la liberté
J’ouvre grand mon cœur hiberné,
Je branche un ventilo survolté
Qui dans un puissant va et vient
Liquéfie les désirs de mon âme éprise.
Je suis en prise avec la douce chaleur
Qui ne me réserve plus de surprise.
J’active mes énergies bien conservées
Et je retrouve intactes mes envies.
Emotions et sensations se chevauchent.
Je manie le fouet pour qu’elles galopent
Avec vigueur et dextérité infinies.
Ici, il fait tout chaud dans mon cœur
Et je ne crains de mes rêves plus l’effroi !
L’Astre, majestueux, tape fort sur les nuages
Qui ne réagissent pas, ils s’en moquent bien.
Pour eux, c’est une caresse offerte d’en haut,
Gracieusement donnée. A prendre pour grandir.
Alors, même contraints et forcés, gonflés à bloc,
L’œil vif, les sens aux aguets, absorbés,
Ils en redemandent encore, doucement.
Et en commandent même en dansant.
En réclament. Supplient pour en avoir.
Jouent mille sarabandes au mâle brûlant
Se renouvelant sans cesse en charmes
Pour montrer fraîcheur et générosité,
En mettant en exergue courbes et bassins.
Le soleil viril, heureux comme jamais
Energique au quotidien, revient à la charge.
Pour répondre aux avances immodérées
Il n’y a pas de mal en ces circonstances
A faire du bien, au vu et au su de tous,
A de si joyeuses barrières de coton
Dont il ne saurait désormais se passer
Tellement leur insistance en jette.
Elles bougent, poussées par un flux venté
Oui, elles vont et ne reviennent pas à leur gré.
Le bourreau, devenu esclave roule aussi sa bosse
Comme Sisyphe roulant son gros rocher noir
Il ne peut changer de rail. Le circuit est fermé !
Pauvre soleil, astre triste ! A tourner ainsi,
Prenant des formes magiques, de feu doux
Jouant avec les rayons, cachant sa vérité
Qui est feu, flamme, ardeur, rougeur et mort
Pour créer de la beauté dans la verte nature,
Eblouissant, éphémère et indispensable
Il féconde à la ronde et essaime bien la vie,
Or, son puzzle c’est de la mort en miettes.
Nul ne peut impunément lui en vouloir.
L’interpeler en le fixant droit dans les yeux.
L’oser de bas en haut ou de haut en bas,
D’un avion en vol ou d’un radeau sur l’eau
Aux yeux mille fois épris, le malheur guette.
Les aveugles, dans leur vision sans lumière,
Sont à l’abri de ce ravissement harmonieux
Celui qui déstabilise et multiplie les mirages,
Qui poussent les cumulo-nimbus en famille
A répéter, sans fin, leurs danses nuptiales !
CIRCULEZ, CIRCULEZ, IL N’Y A VRAIMENT RIEN A VOIR !!! de Rogo Koffi Fiangor
Qui a osé dire, sans retenue aucune
Que le ciel nous est tombé sur la tête ?
Non, non, faut pas minimiser le choc
Là, le séisme le plus violent n’est rien
Le tsunami de noël, à peine plus proche,
Sauf qu’ici, on compte encore les morts
Et tous les autres sont bien dans la peur.
Ils crient en silence et aucun son ne sort
Ils courent vite et se terrent promptement
S’épuisent en prières et font des sacrifices.
En mille génuflexions et agenouillements,
Ils prient Dieu et se soumettent aux armes
Evitent la honte en réclamant des pécules
Qui facilitent le quotidien sans idéologie
Au fond de ce grand désarroi public et total
Sommeille des maux vraiment très bruts :
Analphabétisme, ignorance, déloyauté,
Fidélité, logique récurrente, entêtement,
Accusation, trahison, abstention, cruauté
Neutralité, amour-rejet, paix-tranquillité.
La sagesse des anciens rapides en poncifs
Dit : « Faut faire l’âne pour avoir du foin »
Sans vraiment ni préciser, ni enseigner
S’il faut faire l’âne toute son existence,
Et que faire vraiment s’il n’a pas le foin ?
Oui, «Le grain de maïs n’a jamais raison
au pays des poules ». Mais « L’épervier
ne prend que le poussin gras, isolé, séparé,
celui qui n’est protégé ni par mère – poule
ni par papa – coq. Celui qui se désolidarise
fait seul ses rêves de granulés loin du peuple.
Et parce qu’il défait son monde et ses codes
Il en subira la loi jusqu’à sa pitoyable perte.
Ne croyez pas que sa perte servira de leçons !
Car la mémoire de cette gente alimentaire
Ne s’accommode d’histoires ni de souvenirs
Elle porte et portera son rocher de Sisyphe
De la naissance jusqu’à la mort, évidemment
Comme un serment d’un jour de grandes noces
Mariage célébré entre l’imposture et le canular
Farce prévue jusqu’aux confins du temps gogol.
Accrochez-vous terriens, victimes expiatrices
Le nouveau mal ce n’est ni une tempête violente
Ni un tsunami, ni un réchauffement climatique
Pas plus qu’un séisme ni un tremblement de terre !
Le mal nouveau est un bel et savant mélange
Un renouvellement informatique de l’empirique
Combinaison entre l’armée, la cagnotte et le vote
Entre la force, l’argent et les idées électroniques.
C’est cela le puissant pouvoir rimant avec victoire.
Circulez, circulez, il n’y a vraiment rien à voir !!!
Rogo Koffi Fiangor
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