On croise les doigts pour que cela se réalise quand on sait que le Togo a toutes les peines pour dérouler son budget d’investissement. Bien de raisons justifient cette contreperformance. Ce qui n’empêche pas de toujours programmer. A la lecture des dépenses d’investissement sur la ligne de la Présidence de la République, au titre du projet de budget 2013, on découvre que la bagatelle de deux milliards de francs Cfa sera destinée à restaurer et transformer l’ancien Palais des Gouverneurs en Centre d’art et de culture. Ce sera la confirmation de l’appel à candidature de maîtrise d’ouvrage lancé en début d’année par le Togo pour la rénovation et l’aménagement de ce palais situé en bord de mer.
Le Palais des Gouverneurs a été construit de 1898 à 1905 sous la direction technique de l’ingénieur des travaux allemand Furtkamp, suite à la décision du Gouverneur August Kohler – celui-là qui érigea Lomé en Capitale du Togo –, de bâtir un palais assez représentatif qui soit reconnaissable à une distance de mille kilomètres afin d’impressionner les bateaux. Ce bâtiment constitue un véritable chef-d’oeuvre, distinct de par sa “forme fonctionnelle” ou “forme performante”. Il aspirait, à l’époque, à la recherche du prestige, à la démonstration de puissance et à la fierté de la colonie allemande. L’architecture dite «de la tête haute» rappelle au premier coup d’oeil non seulement celle de la métropole dont elle reflète l’aura, mais elle rime aussi – fièrement – avec la cote de «la colonie allemande modèle» que constituait le Togo à l’époque. Pour la construction, les Allemands ont su faire preuve d’un savant alliage entre les matériaux locaux, les matériaux importés et la technologie allemande.
Les briques rouges cuites, les barres en fer et en acier, le ciment, les planches en bois massif, les plaques, les tôles ondulées sont des principaux éléments constitutifs de cet ouvrage. Le bâtiment est surmonté de deux couronnes, l’une mâle portant le drapeau impérial face à l’océan, et l’autre femelle, pointée vers la ville et l’hinterland, traduction éloquente de tout un symbole, celui du dualisme de la vie mais beaucoup plus encore celui d’une présence confortable et dissuasive d’une part, du prestige, de la majesté, ou de la royauté, d’autre part, le tout matérialisant la fonction assignée à cet édifice. Il contient un vaste patio, semblable à celui du Palais Toffa de Porto-Novo au Bénin. Il comprend également un souterrain aménagé à des fins stratégiques, et accessible par un mécanisme d’ascenseur. A l’époque glorieuse, l’entrée principale du bâtiment était ornée de deux impressionnantes défenses d’éléphant du Togo dont chacune mesurait plus de 2 mètres de hauteur.
Le rez-de-chaussée a abrité des bureaux tandis que les appartements du gouverneur étaient situés à l’étage depuis sa date de construction jusqu’en 1914. Après les Allemands, des transformations eurent lieu : à l’époque française, la véranda de l’étage à reçu des boiseries pour assurer la fraîcheur. Elle fut maçonnée et transformée en fenêtres et en arcades. L’intérieur de cet édifice a donc été considérablement remanié, mais certaines pièces ont conservé leur état initial. Une deuxième série de bâtiments annexes a été construite par les Français.
Utilisé comme siège de l’Etat jusqu’en 1970, le Palais a été transformé en «Palais des Hôtes de marque» de 1976 à 1991, puis comme siège de la Primature en septembre 1991. Il a subi des dommages consécutifs aux troubles sociopolitiques de 1990-1991. Le bâtiment est entouré d’une clôture en bon état de conservation, et jouxte la Présidence de la République. Il se dresse au milieu d’une immense cours plantée d’arbres dont des Terminalia catapa centenaires. Reposant sur une fondation relevée, il est entouré de terrasse plantée, et flanqué de larges marches conduisant vers son intérieur. Avec ses belles et nombreuses arcades et les murs peints en blanc, la couleur verte des tuiles semble se joindre à la verdure de la végétation environnante pour souligner et chanter la splendeur de ce symbole historique unique. Le palais des gouverneurs est l’un des monuments emblématiques de la ville de Lomé.
Entre autres dépenses prévues pour la Présidence en 2013, la construction du hangar métallique au parking de la nouvelle résidence pour 40 millions, l’aménagement du bâtiment de l’ancien palais pour 30 millions, l’extension et réalisation d’espace vert à la nouvelle présidence pour 50 millions, la clôture de l’ancien palais de la Présidence de la République pour 100 millions, la mise en place d’un réseau pour connexion internet pour 50 millions, l’acquisition de matériels roulants pour 100 millions de francs Cfa… Des dépenses à supporter par les ressources internes du pays.
L’UNION N°556 du 07 Décembre 2012