Le mouvement slam de poésie doit sa vitalité à des jeunes talentueux dont certains ont fondé le Collectif Sitou. Kass le Dur est l’un de ces slammeurs qui ont leur mot à dire dans la société togolaise. Kass le Dur : comédien, rappeur et slameur Komi Ayi Stan SITOU alias Kass le Dur est l’un des noyaux du Collectif de slam poésie « Sitou dans l’âme ». Sitou en mina, langue du Sud Togo, signifie grâce, bénédiction. Ce jeune artiste est comédien (théâtre), musicien (rappeur) et slameur. Il a connu le rap par le biais du théâtre. Ses débuts comme comédiens remontent en 2001 dans la pièce Comme des flèches du Tchadien Koulsy Lamko avec la mise en scène de Gaëtan Noussouglo. Au départ, il n’avait pas de rôle particulier, se souvient-il. Comme le rôle du Griot permettait d’étaler une certaine habileté musicale, il s’y essayait à la satisfaction du metteur en scène. Il vint au slam grâce à un stage de formation organisé lors de la Semaine de la Francophonie en mars 2009, stage assumé par le slameur franco-togolais Negus (de son vrai nom Aboè IHOU) qui vit et exerce en Région Parisienne.
Le passage de Négus ou la naissance du Mouvement Slam au Togo
Cet atelier de 2 semaines qui eut pour scènes certains établissements scolaires et le CCF de Lomé connut son apothéose à travers le spectacle organisé au CCF le 27 mars 2009. A juste titre, cet événement peut être considéré comme fondateur du mouvement slam au Togo. Negus parti, il fallait entretenir la flamme à travers des scènes ouvertes qui ont duré 9 mois. Cela permit d’avoir des noms et de passer à la scène performance. Car un véritable slammeur doit être à même de tenir sur scène au moins 20 minutes. Ainsi, l’option cette année est de professionnaliser en quelque sorte le mouvement. Et la création du Collectif Sitou est l’une des réponses à cette attente.
L’option artistique et la philosophie de Kass le Dur
La préoccupation de Kass le Dur qui en fait céda son nom au Collectif (les autres y voyaient une façon d’affirmer leur appartenance à une culture spécifiquement africaine au lieu de prendre un nom français par exemple) est de mettre l’accent sur le message. Sa recherche qui a commencé dans le rap fut couronnée de succès le jour où il découvrit le slameur français Grand Corps Malade. De 2001 à 2005, Kass le Dur s’est attelé à la composition de ses textes majeurs avec pour préoccupation esthétique de ne pas tuer la musique. Sa philosophie se résume à faire le point ou à donner la possibilité aux autres de le faire. Il se refuse à accepter l’idée que le Collectif Sitou fait de la dénonciation. Pour lui, l’artiste n’est ni ange ni démon ; il n’est pas hors de la société. Il n’a donc pas le droit de juger et de reporter le tort sur les autres. Se référant à l’auteur français Antoine de Saint-Exupéry, il souligne qu’être homme, c’est avoir honte en face des problèmes ou des drames sociaux qui ne semblent pas dépendre de soi. Il se veut le spectateur fidèle de sa société et de sa génération qui vivent comme le dard dans la peau, toutes les contradictions de la société togolaise en difficile mutation. A commencer par les problèmes ou mutations politiques. Parlant du Togo, il a l’impression que rien ne va et qu’on assiste à une farce dangereuse, à une situation de ni guerre ni paix : on n’est « ni libre ni en prison ». Pour lui, on ne peut parler de réconciliation sans qu’il y ait une vraie paix. Et avant de parler de paix, de pardon, de réconciliation, il faut parler de justice : « La paix est une flamme de vie dont la justice est l’oxygène », souligne-t-il convaincu. Comme musicien, Kass le Dur est attendu 2ème plateforme musicale du CCF le 27 mars prochain. Le slam permet à Kass et à ses deux compagnons de dire leur message et de faire prendre conscience, à défaut de dénoncer. Le Collectif Sitou est un groupe autonome qui fonctionne à la fois comme un ensemble artistique dans lequel chacun est libre et peut créer de façon séparée.
Cyriaque Noussouglo © Togocultures