Deux corps de dame, des mouvements exquis, pleins de vie explorent la dimension de la femme livrée à toute sorte d’avatars. Vivre, n’est-ce pas lutter ? Et la lutte de la femme en Afrique est sans fin car les préjugés ont la vie dure. Le mâle clame sa virilité. La femme s’effraie difficilement son chemin. La femme est-ce avant tout le corps « sans tête » ? Nadège Kossiwa Amétogbé, la chorégraphe du spectacle Alou écarte ce préjugé pour donner toute l’intelligence à la femme, à son jeu, à l’exploration d’un univers magique qui séduit tout le monde. « Alou » signifie Homme en Kotokoli
Sur la scène, un banc, le siège qui symbolise l’homme. Une femme apparaît en habit de soirée. Pour se marier et avoir un homme à soi, il faut arriver à le conquérir, ce qui nécessite, toutes les phases de séduction : démarche, danse, esquisse de mannequin… Deux femmes pour une place ? Tel est peut-être le titre du spectacle. Avoir un homme pour deux femmes est un schéma impossible. L’homme n’en épousera qu’une seule. Le combat démarre entre les deux danseuses. Les deux femmes sont différentes. La première est une femme aimée et dorlotée. La seconde est une femme révoltée qui bat son homme. Elle est la face cachée du féminisme outrancier qui cherche à tout contrôler et à dénier la parité homme-femme et choper tous les dérives du machisme. Elles, Nadège et Estelle, incarnent aussi l’homme, une sera battue comme plâtre car incarnant l’homme à combattre pour s’affirmer, pour s’affranchir de la tutelle des hommes et l’autre la femme qui veut sortir de la soumission séculière et trouvée le juste milieu à sa vie de femme : ni soumise ni révoltée.
Le spectacle navigue dans les symboles. Le banc est un homme viril proscrivant toute tendance polygamique. Pour les danseuses, la polygamie apporte la souffrance dans les foyers africains. L’endiguer ? Une lutte vaine car l’homme s’arrange à tout contourner : il s’offre « bureau » ou maîtresse et même détourne les amies de sa propre femme. Lutter ou tout quitter ? Le féminisme veut apporter une réponse mais pour Nadège, on remplace un diktat par un autre diktat. Ce siècle est celui de la femme. Grâce à son combat, la femme occupe une place de premier choix dans les sociétés modernes : directrice de société, ministre, première ministre, présidente de la république, etc. Elle affiche au grand jour sa liberté et « porte le pantalon » comme l’homme. Et les danses se déclinent selon ce thème entre Nadège Amétogbé et Estelle Folli. Les mouvements, la danse contemporaine croise la danse traditionnelle, le jazz, le hip hop, les rythmes et danses traditionnels du Togo : « adjogbo, agbadja » et quelques pas de la technique acogny du Sénégal. La technique Acogny est basée sur la danse traditionnelle
La ligne d’« Alou » selon Nadège est de « d’inciter les filles à pratique de la danse contemporaine, les amener à lutter pour une cause, libérer la femme du carcan traditionnel et machiste, des lignes dessinées par la tradition, et enfin montrer qu’une femme est une battante. ». Résultat : le public a passé une heure de spectacle de très bonne facture.
Nadège Kossiwa Amétogbé qui a huilé cette chorégraphie dit avoir hérité la danse de son père Amétogbé Dossou de la Troupe Djokoto et de la Troupe Nationale. Cependant pour avoir les techniques de la danse contemporaine, elle suit depuis 1997, les cours de danse chez la chorégraphe togolaise Nathalie de Souza. De 2001 à 2003, elle fréquente l’école de Henry Motra. En 2009, elle a suivi un stage de trois mois avec la chorégraphe ivoirienne Germaine Acogny. En 2010, le stage avec la Burkinabé Irène Tassembédo l’a décidé à créer sa propre compagnie… Ces formations lui ont apporté la technique nécessaire pour en prendre la dimension de la danse en tant qu’art. Elle est en France depuis cette fin du mois de février en stage de 6 mois au Centre National de Danse dans le 93 à Pantin dans le cadre de « profession culture » prise en charge par le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France au Burkina Faso et le Centre Culturel Georges Méliès de Ouaga avec l’appui du Centre La Termitière au Burkina Faso. A ses heures perdues, elle est animatrice à la Radio Kanal FM où elle anime de 6h30 à 8h30, « Rayon de soleil ».
La danseuse Estelle Foli a suivi sa formation au Centre culturel Brin de Chocolat à Lomé. La chorégraphie « Alou » a été salué par le nombreux public qui a fait le déplacement du Centre Culturel Denyigba.