Le nouvel Institut Supérieur des Arts et des Cultures (ISAC) de Dakar qui vient d’ouvrir ses portes au mois de janvier 2009 a accueilli en mission d’enseignement Cham, l’artiste plasticien togolais spécialiste des arts numériques. On appelle arts numériques les arts visuels faisant intervenir l’ordinateur dans la création plastique. C’était l’occasion pour Cham d’aborder le thème des métiers du numérique, de faire des ateliers de prise en main sur les logiciels de traitement de photos (Photoshop notamment) et la lecture des univers artistiques de quelques grands artistes du numérique actuels dont le Japonais Icon Tada.
Avec ses étudiants, l’artiste Togolais diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Paris a procédé à l’étude des 100 meilleures publicités réalisées en 2008 à travers le monde par les plus grandes agences de publicité ; une seule de ces affiches a été réalisée en Afrique, au Kénya notamment. Le constat dans ce domaine est également au retard et à la fracture numérique. Ces images ont été réalisées à partir de techniques particulières et reposent sur une forte tendance à la suggestion. Il y a eu une époque où les images donnaient dans de la provocation ; notre époque est dans la suggestion justement parce que les concepteurs ont confiance dans la capacité du public à saisir les messages véhiculés. L’exercice a consisté pour Cham à mettre ses étudiants à l’épreuve de la lecture ou du décodage de ces images. Pas aisé ! Il y a alors lieu de s’interroger : pourquoi dans les agences de publicité en Afrique ces nouvelles techniques ne sont pas encore utilisées ? Tout simplement parce que ceux qui y réalisent des affiches publicitaires ne sont pas encore eux-mêmes formés à décoder des images véhiculées dans les plus grandes métropoles de ce monde. Il faut donc travailler aux renforcements des capacités des concepteurs de nos agences de publicité et éduquer les publics. Là encore l’Afrique est à la traîne.
Le séjour dakarois a aussi permis à l’artiste de visiter le Dakar artistique et de se rendre compte de l’effort de l’Etat Sénégalais dans l’accompagnement des artistes, de l’existence d’infrastructures performantes à l’instar de la galerie nationale disposant de moyens financiers et techniques appréciables ou de la galerie à deux niveaux de l’IFAN (actuel Musée Théodore Monod). Pour Cham, des références mondiales comme le plasticien Soly Cissé n’ont pas émergé du néant. Il en conclut au retard du Togo.
Pour mémoire, les métiers du numérique sont : les arts numériques, les métiers du design au sens nouveau c’est-à-dire toutes les formations des écoles des baux arts classiques (peinture, sculpture, dessin, vidéo photo) mais avec l’ordinateur au centre, ce qui suppose la manipulation d’une multitude de logiciels professionnels ; les métiers de l’Internet : webmestres, designers, programmateurs, graphistes, infographistes ; la photo et le cinéma ; la publicité ; les designers du textile, etc.
L’ISAC est une filière de l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop). Dirigé par le Professeur Aloyse N’Diaye, ancien Vice-recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et Doyen Honoraire de l’UCAD, l’ISAC bénéficie d’un très fort soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Il est une conséquence logique de l’Université d’été de Dakar tenue précisément du 12 au 20 octobre 2007 à l’Ecole des Sables de Toubab Dialaw (54 kms de Dakar) qui avait fait le constat de l’inexistence de l’enseignement des arts et de la culture dans les universités francophones, ce qui allait à l’encontre du mouvement de l’histoire et de la modernité. Cette Université d’été consacrée à la « Transmission des savoirs et diversité des expressions culturelles. Les formations artistiques à l’Université », avait connu la participation de trente neuf (39) étudiants venus d’Algérie, du Burkina Faso, du Cameroun, de la France, du Maroc, de la Mauritanie, du Niger, de la République Démocratique du Congo, du Sénégal et du Togo. Elle avait exploré les nouveaux lieux de rencontres et d’échanges entre étudiants, enseignants et chercheurs des universités et établissements d’enseignement supérieur francophones d’Afrique et les professionnels des secteurs des arts et de la culture. D’où sa décision de développer des synergies entre les différents ordres de savoirs et de savoir-faire afin de donner à l’Université la place qui lui revient dans la vie culturelle. L’ouverture de l’ISA pour lequel le Professeur N’DIAYE sera en tournée prochainement en Afrique, offre l’opportunit d’enseigner les nouveaux métiers liés aux arts, ce qui représente pour la jeunesse africaine, un domaine privilégié de formation et d’épanouissement.