Une voix, une beauté, un talent naturel et de la personnalité, Bella Bellow en avait à revendre. En un court temps, la légendaire blueswoman eut en effet un succès aussi immense qu’inattendu dans le monde du show-biz. Mais qui l’aurait cru ? La véritable étoile au firmament de la chanson africaine francophone des années 60 et 70, sera fauchée le 10 décembre 1973 par une mort soudaine, à l’aube de ses vingt-huit printemps.
Voix chaude, veloutée et pénétrante, Georgette Nafiatou Adjoavi Bellow au civil, a vu le jour le 1er janvier 1973 à Tsévié. Dès sa tendre enfance, l’aînée d’une fratrie de sept enfants régalait déjà dans les manifestations scolaires et fêtes populaires. Une fois ses études primaires et secondaires effectuées, la belle créature d’origine Ifê à Atakpamé, débarque à Abidjan pour une formation en secrétariat, mais en profite pour suivre des cours de solfège à l’Institut des Arts.
Qui n’aimait pas cette voix caractéristique, celle qui sait se faire plus douce ou vibrante selon les moments ? L’intéressée n’en resta pas indifférente à cette prédisposition naturelle. Elle chantera avec puissance et netteté en 1965 à Cotonou, invitée personnelle de feu le président Hubert Maga, à l’occasion de la fête de l’indépendance de l’ex-Dahomey (actuelle République du Bénin). Une année plus tard, sa participation au 1er Festival des Arts Nègres à Dakar au Sénégal avec sa compatriote Julie Akofa Akoussah, lui ouvre la voie d’une entrée fulgurante sur la scène musicale internationale.
L’artiste Paul Ahyi pour parrain
Au lendemain dudit festival, l’architecte et peintre Paul Ahyi qui n’est autre que son ancien maître de dessin au Lycée de Sokodé, lui arrange une rencontre avec le Togolais Gérard Akueson ; premier éditeur phonographe africain en France. Juste en écoutant Georgette Bellow fredonner Zélié ; le célèbre promoteur d’artistes se décida à lui baliser la voie. Il rassemble une équipe de musiciens outillés autour de la jeune chanteuse : Slim Pezzin à la guitare, Jeannot Madingué à la basse, Ben’s à la batterie et Manu Dibango au clavier et à l’arrangement.
Elle s’impose avec « Rockya », son premier album sorti en 1969 à Paris sous le nom d’artiste de Bella Bellow. Il s’agit d’un véritable bijou musical qui va figurer quelques années plus tard sur la compilation « Trente ans de musique africaine », un best of réalisé par Radio Africa no1. D’autres succès de sa discographie notamment Senyé ( Mon destin) à elle écrit par le parolier ; feu Innocent Domenyo Agbétiafa, Blewu ( Patience), Nyé Dzi ( Mon amour), Denyigba ( Mère-patrie)… lui seront arrangés par Vladmir Kovaroc, un réputé chef d’orchestre bulgare.
Du folklore togolais pour éblouir sur les scènes
Adieu secrétariat, sténo –dactylo et autres paperasseries ! Bella Bellow peut s’adonner à plein temps au show –biz en mettant en confiance son public notamment du Centre culturel français, Hôtel Tonyéviadji, Centre communautaire d’Adjamgba –Komé et des jardins de l’Hôtel Le Bénin à Lomé, mis en confiance, l’artiste à la voix chaude peut alors partir à la conquête du public international. Après s’être séparée de son imprésario Gérard Akueson, elle met sur pied son propre groupe « Gabada » du nom d’un rythme du terroir togolais. pour effectuer des tournées musicales ici et là..
Après le Festival panafricain d’Alger où elle rencontre la Sud- africaine Myriam Makéba ; la chanteuse togolaise éblouit son auditoire à l’Olympia à Paris alors scène de rêve de tout artiste en quête de notoriété. La voix de la légendaire blueswoman à la chasse-mouches a retenti à Athènes en Grèce, à Split en ex-Yougoslavie, à Genève en Suisse, mais aussi en Allemagne et en Belgique. Un crochet aux Antilles (Guadeloupe et Guyane ), Bella Bellow est acclamée au Festival de chanson populaire de Rio de Janeiro au Brésil, par plus de 100 000 spectateurs ivres de bonheur.
Janvier 1972, elle convole en justes noces avec le magistrat togolais Théophile Jamier- Lévy, avant de donner naissance quelques mois plus tard à Nadia Elsa, la fille unique du couple. Après plusieurs mois d’absence pour raisons matrimoniales, Bella Bellow fit une rentrée fulgurante au Centre culturel français de Lomé et se préparait à partir en tournée musicale aux Etats-Unis d’Amérique avec le Camerounais Manu Dibango. Mais ce projet restera à l’étape du rêve. La légendaire blueswoman revenait d’Atakpamé le 10 décembre 1973 en direction de Lomé, lorsqu’elle laissera sa vie dans un accident de la circulation à Lilikopé, non loin de Tsévié…
Pourtant promise à une belle carrière, Bella Bellow, la chanteuse à la beauté angélique aura vécu l’instant d’une matinée. Mais après s’être imposée et ouvert la voie de la scène musicale à de nombreuses générations d’artistes. La Congolaise feue Abéti Masikini l’a chantée dans le morceau « Ngoyaye Bella Bellow » ( Hommage à Bellow Bellow ), le Béninois Oscar Kidjo, le frère d’Angélique lui a rendu hommage à travers « Ekou wo noubla nyuinoulo » ( la mort a semé le désarroi ) sur l’album Pretty. De nombreux titres faisant partie de sa discographie ont été diversement repris par de nombreux artistes des deux sexes notamment feue Julie Akofa Akoussah, Djeefa, Vicky Bila, Afia Mala, Amédée Adotévi Akué ( Dee Kwarel ), Félix Akofeh, Vanessa Worou. Cette dernière est allée jusqu’à lui dédier récemment une ode « Ma Bella ».
Bella Bellow s’en était allée trop jeune, bien trop jeune. Toutefois, de nombreuses chansons issues de sa merveilleuse discographie résistent à l’usure du temps. Elles sont non seulement programmées par de nombreuses chaînes radio, mais le public de tous âges, en fredonne toujours. Et lorsqu’on oublie un mot ou une phrase ; on fait la la la la. Assurément, la légendaire blueswoman est un patrimoine, une histoire de la chanson africaine.
Ekoué Satchivi