Mawuélonmi Adankanou alias Azé Kokovivina Photo: Gaëtan Noussouglo

Azé Kokovivina, le prêtre vaudou togolais dans le journal El Pais en Espagne

?Mawuélonmi Adankanou alias Azé Kokovivina Photo: Gaëtan Noussouglo
?Mawuélonmi Adankanou alias Azé Kokovivina Photo: Gaëtan Noussouglo

A la Une de son feuillet culture du 6 février El Pais, le journal madrilène,  brosse un portrait du sorcier du fou rire togolais Azé Kokovivina lors de son passage à Madrid en Espagne. Après le Musée du Quai Branly à  Paris et Bundeskunsthalle de Bonn, Azé Kokovivina, « Maître du désordre », continue à faire connaître les divinités togolaises à travers son Kelensi. La traduction  de l’article « El arte y otros rituales de paso » pour Togocultures a été assurée par Madela Boukari, docteur en littérature espagnole.

L’ART  ET  D’AUTRES  RITUELS  AU  PASSAGE

Caixa Forum aborde le désordre, le carnaval et le masque depuis les cultures ancestrales jusqu’à la création actuelle dans l’exposition “Maîtres du chaos”.   Iker Seisdedos    Madrid

Le lundi, à l’heure où l’Espagne des employés abandonnait son bureau pour prendre le deuxième café du matin, le sorcier Autel Azé Kokovivina du Togo s’adonnait à un autre type de rituel : libérer “de mauvais esprits” la salle de Caixa Forum qui à partir d’aujourd’hui abrite la troublante et fascinante exposition Maîtres du chaos : artistes et sorciers. Armé de sifflets, de touffes d’herbes qui tintent, de bourgeons de gingembre et de bouteilles de genièvre, l’homme faisait des tours, entonnait des cantiques et dansait autour d’un autel d’aspect intimidant, composé de grosses racines et couvert d’un liquide d’aspect visqueux. Le résultat de ses formules magiques restera jusqu’au 17 mai à Madrid “donnant de bons augures et chassant les mauvais”, comme il l’a fait auparavant au Bundeskunsthalle de Bonn, et au musée parisien du Quai Branly, organisateur d’une exposition qui cette fois-ci ne voyagera pas au siège barcelonais de la Obra Social La Caixa.

Face au rituel auquel a assisté un petit groupe d’employés du centre, parmi lesquels il y avait des gens disposés à croire et d’autres amusés, on émettait en boucle un enregistrement de Cómo explicar los cuadros a una liebre muerta (1965) (Comment expliquer les tableaux à un lièvre mort), célèbre performance de Joseph Beuys, dans lequel le grand sorcier de l’art du XXe siècle faisait des tours à travers une galerie de Dusseldorf avec le visage peint en or et un animal mort dans les bras. Ce contraste nous permet d’expliquer la difficile bien que séductrice obstination de Jean de Loisy, commissaire de l’exposition et président du Palais de Tokio : identifier les médiateurs, artistiques ou spirituels, dans le conflit aussi vieux que le monde entre l’ordre et le chaos ; limiter le chemin qui conduit du théâtral au grotesque et du masque à la terreur ; et soutirer des enseignements des traditions étrangères à celle de l’Europe (qui est aussi présente) pour tirer profit du désordre qui gouverne nos destins.

De Loisy vainc, malgré tout, la tentation de tomber dans le cliché qui assimile le rôle de sorcier à celui de l’artiste. “Aujourd’hui le créateur est plutôt un anthropologue”, explique-t-il devant Bestia (la Bête), tableau du peintre-marginal-adoré-par-le-marché Jean-Michel Basquiat, petit fils d’une prêtresse haïtienne. On ne fait pas recours non plus au jeu facile d’intercaler des œuvres artistiques sans intention entre les reliques cérémonielles : “Les frontières entre l’art ancien et l’art contemporain, entre le folklore et ce qu’on appelle culture sérieuse sont mises en doute”, explique De Loisy. “De là la décision d’amener du Togo le sorcier. Je m’oppose à l’idée de l’exposition en tant qu’une succession d’objets du passé ; une exposition doit aspirer à influer sur la réalité.”

Des masques, des costumes, des amulettes, des bâtons et d’autres panoplies sorcières des tribus hopi et navajo aux Etats Unis, le turbulent peuple taïno des Antilles (et ses bancs inquiétants sur le dos desquels on peut voyager à l’autre monde sous l’impulsion de substances psychotropes) ou les inyai-ewa de Papouasie Nouvelle Guinée exercent su le visiteur un envoûtement semblable à celui auquel les volontés des avant-gardes du XXe siècle ont dû se plier, pendant que les picasso, brancusi o klee ont ouvert une porte à la modernité primitive d’autres cultures. La contemplation d’un masque du démon Maha-Kola, du Sri Lanka, antérieur à 1890 et candidat pour être l’étoile de l’exposition, près d’un San Miguel (Saint Michel) du XVe siècle sur le point de tuer un diable invite à penser que ce geste-là a été peut-être plus logique qu’héroïque.

Un écran avec des intervews réalisés avec des sorciers actuels démontre que la superstition est loin d’être une chose du passé (le commissaire va au-delà et constate une hausse du fait de la crise) et sert de revenu à la dernière partie de l’exposition, qui flirte avec l’idée du grotesque, du théâtre et de l’imminent rite de la catharsis et de la renaissance du carnaval. Plusieurs  Caprichos (caprices) de Goya (qui fait écho avec une installation de Thomas Hirschhorn), un groupe de peintures noires de Gutiérrez Solana y Painter, un très amusant video de Paul McCarthy, considèrent comme bon le slogan Pas d’art sans désordre.

Et à la fin du chaos, il reste à ramasser les restes pour commencer de nouveau. Comme dans le tournage de Mièrcoles de ceniza (Mercredi des cendres), de la brésilienne Rivane Neuenschwander. Dans ce tournage, des fourmis transportent les restes de confetti d’un carnaval passé.

EL PAIS Maestros del Caos

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