Le 20 octobre dernier, a été célébrée la première journée mondiale de la statistique. L’événement coïncidait avec le 5ème anniversaire de l’adoption par l’UNESCO de la Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles. Dans la foulée, la Commission de l’UEMOA a organisé du 18 au 22 octobre 2010 à Lomé, en collaboration avec l’Institut de statistique de l’UNESCO et le CRAC de Lomé, un atelier régional sur les statistiques culturelles dans les pays de l’UEMOA. Les statistiques mises au service de la culture sont déterminantes pour évaluer le poids réel de la culture sur l’économie, l’emploi, le social, bref le développement.
Partout en Afrique, on note la volonté de faire en sorte que la culture contribue effectivement au développement. Mais sur les stratégies et les moyens à mettre en œuvre, de grandes divergences apparaissent. Et pourtant, parmi les moyens de développement culturel figurent les statistiques par lesquelles les États peuvent évaluer la vitalité et la santé de la culture pour mieux rendre compte de son développement aussi bien sur le plan national qu’international. Mesurer la culture permet entre autres de légitimer et de se donner les bonnes raisons du financement et des investissements dans le secteur.
Les statistiques pour mesurer la contribution de la culture au développement
Si beaucoup de gens restent peu convaincus et sceptiques par rapport à la contribution réelle des secteurs culturels à l’économie et au développement, c’est parce qu’il manque les statistiques culturelles pour leur faire admettre l’évidence de la rentabilité du secteur culturel. Or, la volonté de développement culturel devrait aller de pair avec la mesure de la culture, de ses impacts sur l’emploi et les autres secteurs en vue de déterminer ou de peaufiner les cadres de promotion et de suivi effectif de l’efficacité des politiques culturelles.
Quelques illustrations de la rentabilité du secteur culturel. On sait qu’en 2006 en France, le secteur des industries culturelles a réalisé 7,3 % du chiffre d’affaires des services marchands, soit 43 milliards d’euros, et a employé 3,8 % des effectifs salariés, soit 157 000 salariés (effectif salarié moyen annuel, équivalent temps plein). (Cf. Valérie DEROIN, Statistiques d’entreprises des industries culturelles, décembre 2008). Les chiffres parlent donc d’eux-mêmes !
Dans son Rapport Mondial paru en février 2010 intitulé : Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel, présenté le 20 octobre 2009 au siège de l’Organisation à Paris : « Les entreprises qui investissent dans la diversité culturelle, que ce soit au niveau de la gestion, des ressources humaines ou encore du marketing, peuvent en tirer un bénéfice économique. » En effet, précise le Rapport, « les industries des médias et de la culture représentent plus de 7 % du PIB mondial et pèsent environ 1300 milliards de dollars, soit environ deux fois les recettes du tourisme international, estimées à 680 milliards de dollars. Or, la part de l’Afrique dans le commerce mondial de la création demeure marginale – moins de 1 % des exportations mondiales – alors que le continent ne manque pas de talents. Pour améliorer cette situation, il est urgent d’investir dans la diversité culturelle et le dialogue », insiste le Rapport.
Les professionnels de la culture n’auront de cesse d’insister qu’il faut des statistiques afin d’évaluer l’importance de la contribution économique de la culture au PIB, au bien-être de nos sociétés, à la participation des acteurs et des populations aux activités culturelles, à la création d’emploi et de richesse et la promotion du patrimoine culturel. Car, à l’évidence, on ne peut en aucun cas douter de l’influence certaine et déterminante des politiques et programmes en matière culturelle sur l’économique et le social. Les informations chiffrées permettent alors aux politiques de mesurer l’impact des initiatives gouvernementales et leur efficacité. Dès lors, on comprend qu’en l’absence de données chiffrées, on notera toujours des difficultés et des réticences à appréhender et à admettre le poids réel de la culture sur l’économie et le social, ce qui est de nature à rendre faible voire quasi inexistante l’intervention des États et des partenaires dans les secteurs culturels et la réticence à investir dans ces domaines, pourtant porteurs de croissance. C’est dire que c’est grâce aux données chiffrées que nous savons effectivement où nous en sommes sur le plan culturel, où nous voulons aller et comment nous pouvons influencer l’extérieur par nos pratiques et productions culturelles.
Harmoniser les pratiques en matière de données chiffrées sur la culture
C’est dans le souci d’harmoniser les pratiques en matière de mesures et de données chiffrées sur la culture qu’un atelier régional sur les statistiques culturelles dans les États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) s’est tenu à l’Hôtel Ibis à Lomé du 18 au 22 octobre 2010 dernier. Cet atelier initié par la Commission de l’UEMOA en collaboration avec le Centre Régional d’Action Culturelle (CRAC) de Lomé et l’Institut de Statistique de l’UNESCO (ISU) avait rassemblé 23 délégués des 8 pays de l’UEMOA, des formateurs et encadreurs venus de l’UEMOA et de l’ISU. Pendant une semaine, les participants ont échangé sur l’état des statistiques culturelles dans les pays de l’UEMOA et rechercher les voies et moyens permettant d’aller à des directives communautaires qui développent les pratiques de statistiques culturelles au sein de l’UEMOA.
Les objectifs poursuivis
L’atelier s’est proposé comme objectif global d’évaluer la contribution au développement de l’économie de la culture dans les États membres de l’UEMOA ; spécifiquement , il s’est agi de renforcer le système de planification, de collecte et de gestion des statistiques dans le secteur de la culture, de sensibiliser et de former des professionnels de la planification et des statistiques culturelles, de doter des points focaux en équipements informatiques et logiciels pour faciliter la collecte et le traitement des données, le suivi et l’évaluation des politiques sectorielles, d’identifier les mécanismes de mise en place d’un observatoire de l’économie et des pratiques culturelles dans l’espace UEMOA, de définir et de mettre en place une méthodologie partagée à utiliser, d’expérimenter et d’adapter des outils de collecte et d’analyse de données.
L’atelier a outillé les délégués à être capables de collecter, d’analyser et de diffuser des données statistiques ; à rendre disponibles et partagés des outils pour la collecte et le traitement des données de référence dans les Etats. Par ailleurs, des compétences professionnelles des structures en charge de la planification et des statistiques culturelles ont été améliorées pour rendre disponibles à terme, des données et informations fiables sur la culture. Il a été examiné la possibilité de mettre en place une plateforme de travail et d’échanges sur les statistiques culturelles en vue de la prise en compte de ces données dans les orientations de la politique communautaire de développement culturel. Enfin, il sera assuré, au sein et hors de l’Union, une diffusion périodique de données statistiques.
Pour arriver à ces résultats, l’état des lieux sur les statistiques culturelles dans l’espace UEMOA a été effectué.
L’état des lieux sur les statistiques culturelles dans l’espace UEMOA
La présentation de la situation des acquis, difficultés, contraintes et solutions envisagées dans le cadre des statistiques culturelles au niveau de chaque Etat membre dans l’espace UEMOA révèle des disparités importantes entre les pays qu’on peut classer en 3 catégories : 1) ceux qui disposent d’un cadre de gestion des statistiques culturelles, 2) ceux qui en ont des prémices et 3) ceux qui ne disposent d’aucun cadre.
Evidemment, les performances sont tout aussi disparates. Si partout on note une volonté politique de disposer de données statistiques, il y a seulement quelques pays qui ont mis en place des structures appropriées à cette fin et ceux chez qui le cadre de développement de la culture arrimé à un cadre global de développement fait cruellement défaut. Le défi actuel est de faire en sorte que tous les 8 pays se retrouvent sur le même diapason en matière de structure de collectes, de gestion et de traitement de statistiques culturelles.
Pour arriver à dégager une stratégie sous régionale en gestion de statistiques culturelles, les participants à l’atelier se sont familiarisés avec le cadre statistique de l’UNESCO : ses concepts et approches, son instrument de classification.
Cet exposé ainsi que d’autres, riches d’enseignement, de même que les travaux en groupe et les propositions de délégués et d’experts permettront, très rapidement, de dégager des directives communes en matière de statistiques culturelles.
Par Cyriaque NOUSSOUGLO
Expert de la diversité culturelle