Le mercredi 12 novembre 2025, l’artiste de théâtre Alfa Ramsès a inauguré, en présence d’un public nombreux, un espace culturel ouvert à l’art dramatique et à la culture, qu’il a baptisé Théâtre du Karnak. Il se situe au quartier Agouè Avedji Léo 2000. Dans son discours inaugural, il a expliqué pourquoi il a utilisé le nom Karnak qui est égyptien. L’Égypte, à l’origine, une terre des Noirs, doit occuper une place importante dans l’imaginaire collectif des Africains spoliés par le colonialisme et ses discours mystificateurs. Il a insisté sur l’héritage culturel de l’histoire de l’Afrique. Ce n’est pas un hasard si lui-même porte le nom d’artiste Ramsès. Il a invité les théâtreux présents à se cultiver, et c’est à cette fin que le Théâtre Karnak organisera des conférences-débats et des tables rondes pour aider à la réflexion intellectuelle, car l’ennemi, c’est l’inculture, l’ignorance et l’obscurantisme, des obstacles majeurs à la libération mentale qui doit précéder la libération des Africains de l’oppression et de la domination impérialiste.
Joignant le geste à la parole, Alfa Ramsès, qui a bâti sa réputation de comédien, de metteur en scène et de dramaturge au Togo et en Allemagne, dans la ville de Constance, notamment, a baptisé de façon très originale le nouvel espace culturel, en surprenant l’assistance. En effet, au lieu du mimétisme colonial du ruban coupé aux ciseaux, il a été procédé à la devanture, dans la rue, à des libations traditionnelles et des sacrifices de poules par des prêtres avec prières, chants et tam-tams dans des langues togolaises. Il va sans dire que les plus aliénés, voire zombifiés par la culture coloniale, ont été choqués sans oser le dire. Être choqué par des manifestations culturelles et cultuelles de son peuple, est un comble. D’où la nécessité de libérer les consciences grâce à l’art.
Alfa Ramsès ne s’était pas présenté seul face au public. Trois artistes allemands de la ville de Constance l’accompagnaient pour la remise du Prix Hans Wölcken du théâtre 2025 dont la Compagnie Arethes de Sokodé a été la bénéficiaire pour son engagement dans le théâtre de sensibilisation en milieu rural et défavorisé au Togo. Ce geste envers une troupe de théâtre de l’intérieur du pays et d’autant plus symbolique qu’il vise à désenclaver la pratique du théâtre et de l’art en général en dehors de Lomé. Le jury était composé de la délégation allemande de trois personnes et de Ramsès: Holger Bueb, Julie Georgis, Christoph Nix.
La cérémonie d’inauguration a été animée dans l’enceinte du théâtre par un orchestre. Elle s’est achevée avec la représentation d’une pièce de théâtre, « La Course aux noces » écrite par Nathalie Hounvo Yékpé, jouée par la Compagnie Arethes de Sokodé, mise en scène par Alfa Ramsès.
La pratique du théâtre au Togo relève du sacerdoce, car l’État, qui se complaît dans l’inculture, s’en désintéresse au point de contraindre beaucoup d’artistes à migrer en Europe pour tenter de vivre de leur art. C’est honteux. Après 65 ans de pseudo-indépendance, l’État n’a même pas investi dans la construction d’une salle de théâtre, c’est-à-dire un lieu spécialisé, à son actif !
Les amoureux du théâtre et de la culture ne peuvent que se réjouir de cette initiative d’Alfa Ramsès qui leur offre un espace privé de plus pour l’épanouissement de l’art et de la culture à Lomé, afin de rompre l’isolement imposé de l’inculture et de l’obscurantisme. La joie qui se lisait ce jour sur le visage des artistes, a été le meilleur témoignage de gratitude envers Alfa Ramsès, un grand artiste togolais dont la maîtrise artistique honore le Togo.
Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
