Le 7 mars 2025, à 19 heures, la metteuse en scène Séfako Agbokou a offert à un public averti la représentation de la pièce inédite du dramaturge Jean Kantchébé, « Celle qui passe ». L’évènement culturel a eu lieu à l’Espace culturel Gododo. La création du spectacle a nécessité le concours de toute une équipe autour de Brigitte Séfako Agbokou: assistance à la mise en scène: Félicité Notson Kodjo-Atsou; scénographie: Kinga Gwenael Sagi; danse et chorégraphie: Anique Ayiboé; création son: Kokou Djagbavi; costumes: Martine Bédéma; création lumières: Douriyath Dansou et Manassé Gnassounou; jeu: Séfako Agbokou, Pabguigani Lamboni, Anique Ayiboé.
Le sujet de la pièce est le thème de la mort. Trois femmes décédées reviennent à la vie sous forme de fantôme. Elles n’ont que des reproches à faire aux vivants concernant la manière dont elles sont mortes et enterrées. Leur aigreur s’est manifestée par les mots et le langage du corps. Des masques blancs, tantôt derrière la tête, tantôt sur le visage expriment l’intensité des sentiments à un moment ou l’autre de la représentation. Ces masques semblent représenter, en fonction de leur usage, sur la tête, le passé (la mort) et le présent (la vie). Le temps vécu par les personnages est cyclique: passé-présent- passé. Le cycle est bouclé lorsque, au dénouement, l’une des femmes défuntes dit qu’elle s’en retourne d’où elle vient; elles se dispersent et s’éteignent les lumières. Ces masques dont la blancheur représente la mort, constituent un signe de la temporalité à travers le va-et-vient de leur placement sur le visage ou derrière la tête.
L’apparence hiératique des actrices sur la scène est due à leurs costumes identiques qui renforcent l’impression d’avoir affaire à un personnage unique incarné par trois personnages, toutes des femmes. Le dialogue quasi-identique s’adresse à des personnages absents (in absentia), leurs parents ou les responsables de leur mort. Les spectateurs se sont retrouvés devant un chœur qui a souvent recouru à la choralité, le fait de partager le texte du chœur entre plusieurs membres du chœur au lieu qu’il ne s’exprime que d’une seule voix.
Les trois personnages n’ont pas manqué d’exposer leurs souffrances liées à leur statut de femmes opprimées par la société machiste. Le quatrième mur s’est brisé lorsque les fantômes se sont transformées en vendeuses au marché en interagissant avec les spectateurs transformés de facto en clients de leurs marchandises. Cette séquence a été une pause dans le rythme soutenu de l’action dont la tension a nettement diminué.
Le jeu des acteurs qui a beaucoup reposé sur la chorégraphie et la danse a été d’autant plus captivant qu’il s’est parfaitement fondu avec le dialogue. La danse et la chorégraphie isolées ou regroupées ont été soulignées par un costume identique fait de robes longues de couleur marron dégradé et constituées de bandes de tissu retenues par une ceinture en tissu à la taille. Les mouvements, en faisant s’éparpiller les bandes de part et d’autre autour des corps, ont gagné en ampleur et en esthétique. À certains moments de la pièce, les trois personnages ont semblé n’en faire qu’un seul grâce à l’impression de fusion des corps agglutinés à laquelle ont contribué le son et la lumière, une lumière douce, presque tamisée. Il faut aussi souligner la présence d’un fantôme géant apparu sur la scène et représentant la mort à travers un immense tissu presque triangulaire qui pendait des cintres avec un masque blanc à son sommet. À un moment du jeu, il a servi de paravent aux trois personnages.
La beauté du texte de Jean Kantchébé et la justesse des déclamations des comédiennes Agbokou, Lamboni et Ayiboé, ont conféré à ce beau spectacle un cachet poétique. Les spectateurs ont été très impressionnés par la qualité de l’oeuvre et l’ont manifesté à la fin.
Une réponse
Félicitations pour le travail. C’est la culture togolaise qui laisse sa marque dans un monde en perpétuelles dynamiques. Je suis à court de mots.
Bon vent à vous.