Un proverbe africain dit que la parole est notre esclave tant qu’elle n’est pas proférée ; en revanche, elle nous tient en laisse, une fois qu’elle l’est. Nous ne pouvons avoir prise sur elle ; elle fait librement son chemin, ne nous en déplaise. Avec le décès de Yambo Ouologuem, l’auteur du classique Le Devoir de violence, le premier roman d’un Africain qui lui a valu le Prix Renaudot, nous sommes encore véritablement en droit de nous poser cette question : Y a t-il un devoir de violence ? De quelle manière s’exerce t-il ? Est-ce un devoir envers nous-mêmes, et, dans ce cas, il reste sans réciprocité de droit ; ou un devoir envers les autres, auquel cas, il appelle des droits de la part des autres.
Que son talentueux auteur ait renié plus tard l’ouvrage, reniant par conséquent sa fille qui a voulu le faire rééditer des années après, ne change rien à la réalité historique de ce roman percutant qui met l’Africain devant ses responsabilités face aux colonisateurs. On imagine l’actualité de ce roman, je voudrais dire l’actualité de cet impératif : le devoir de violence ! Il s’impose non pas parce que nous faisons l’apologie de la violence mais parce que, à un moment ou à une autre, la réalité nous impose de prendre notre responsabilité, quelle que soit la forme que doit prendre l’expression de cette responsabilité.
Il m’arrive de me dire que, parce que nous aussi nous avons côtoyé dans notre jeunesse, ces grandes plumes de la littérature d’Afrique et d’ailleurs, nous avons un grand pas sur nos enfants qui croient être plus avancés que nous parce que très tôt ils tripatouillent des androïdes entre leurs mains. Le problème de l’éducation de la jeunesse africaine doit être revu à l’aune des livres et des grandes valeurs. Est-ce parce que nous ne prions pas assez malgré le grand nombre des églises de réveil que nos villes connaissent que notre société n’avance pas, ou est-ce tout simplement parce nous ratons notre devoir d’éduquer nos citoyens aux vraies valeurs, aux valeurs d’humanité comme le respect sacré de la vie, le respect des autres et de leurs opinions, le respect du bien commun dont je ne m’accapare pas parce que j’ai la force brute du moment à ma disposition, la prise de la juste mesure de mes limites et de ma place en tant que citoyen, pas plus privilégié qu’un autre, etc. Nous devons retrouver les vraies valeurs qui font avancer toutes les grandes nations de ce monde, en renonçant à notre triste exception africaine dont nous mesurons aujourd’hui les ravages sur les vies et nos sociétés.
Que Yambo Ouologuem repose en paix !