C’est un Tintin en enfer que nous livre le Togolais Alexandre de Souza dans son premier roman Togo, la dynastie de la terreur, un polar militant qui dresse un tableau dantesque du Togo des Gnassingbé père et fils. Assassinats d’opposants politiques, massacres de populations civiles par des miliciens et des forces de répressions implacables à la solde du régime, milliers d’exécutions extrajudiciaires, déportations, le tout sur fonds d’un processus démocratique chaotique, est le menu qu’offre le roman.
Le titre a été donné en analogie à un autre livre témoignage Togo, stratégie de la terreur, livre noir qui relate par le détail macabre le plan machiavélique de conservation du pouvoir par Eyadema de 1990 à 2005, lequel plan serait basé sur l’élimination systématique et la répression des manifestations, dont le pic a été atteint entre février et mai 2005. Suite à la mort d’Eyadema, un coup de force d’un quarteron d’officiers avait placé son fils Faure Gnassingbé au pouvoir au mépris des dispositions constitutionnelles. Cela a conduit à des violences avant, pendant et après les élections d’avril 2005, lesquelles violences auraient fait entre 400 à 500 morts, selon le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Toutes ces violations massives des droits de l’homme ont donné lieu à des rapports toujours dénoncés par le régime.
C’est sur ces événements qu’est venu enquêter Brice Desbos, un métis, reporter d’un journal en France. Brice pensait avoir tout connu lui qui, avec son passé de journaliste globe-trotter ayant écumé les théâtres des conflits post-guerre froide, a frôlé la mort à plusieurs reprises. Mais il ne savait pas le Togo allait «laisser un souvenir impérissable». «Ce petit pays de rien du tout allait devenir son pire cauchemar au bout de quelques jours seulement», rapporte le narrateur.
C’est donc sur les bouts des faits réels encore tout frais que l’auteur tisse son histoire, allant jusqu’à y mêler Faure Gnassingbé, l’actuel président de la République. Certes le lecteur décèle-t-il rapidement la part de vérité factuelle et historique de la part de fiction, l’auteur n’utilisant d’ailleurs ceci que pour justifier cela et vice versa. Le narrateur ne ménage pas l’ancien dictateur Eyadema et son clan présentés comme des personnages sans foi ni loi, ce qui donne une allure assez militante et quelquefois peu romanesque à ce polar. Mais en même temps, comme pour faire écho à l’actualité, l’auteur semble moins sévère à l’égard de la personne de Faure Gnassingbé, sans illusions toutefois sur l’évolution du régime. Il s’agit bel et bien d’un roman engagé écrit par un auteur vivant loin de son pays dont lui parviennent les échos des événements malheureux et qui appelle ouvertement à la fin du régime des Gnassingbé. Rien que le retentissement de La Terre de nos aïeux, l’hymne du Togo, à la fin du roman est symbolique du souhait de cette fin eschatologique d’un monde de la part de l’auteur.
Sans complexité aucune, le roman se lit rapidement. On rentre bien, ce qui est surprenant de la part d’Alexandre de Souza – un ancien séminariste– dans un univers assez foisonnant où s’élèvent des personnages pittoresques à la sexualité débridée. On y rencontre notamment une avocate mystérieuse maîtrisant aussi bien les interstices juridiques que les formes les plus raffinées des plaisirs charnels, un opposant père de nombreux enfants et coureur de filles mineures, un prêtre opposant auteur d’une théologie de partage des plus sadiennes et voleur des dîmes et autres cotisations paroissiales, ce qui donne à penser la décrépitude morale de toute une nation.
Togo, la dynastie de la terreur, est une fresque de la société togolaise, cousue dans une langue très simple. Un thriller rapide et violent écrit par un auteur adepte des romans noirs. Il s’agit d’une fresque vraie et actuelle, peut-être trop vraie, laissant ainsi trop de force, trop de prise de la réalité sur la fiction.
Alexandre De Souza, Togo, La dynastie de la terreur, Editions Bénévent, Nice (France), 2009, 154 pages.
Tony Féda© Togocultures