« Epique ! Sublime ! » La joie de Rosine à cette 6e édition (du 15 au 23 décembre 2011) de la grande messe des divinités d’Afrique et de sa diaspora est ineffable. Voir autant d’adeptes de différents couvents du panthéon noir et de grands prêtres à un festival qui dure une à deux semaines (est impressionnant. Les prestations, les manifestations lui donnent raison. Des milliers de personnes tous âges confondus envahissent Glidji Kpodji, le sanctuaire de la prise de la pierre sacrée et la place Acofin, une scène érigée en bordure de mer. Ces deux lieux ont accueilli principalement les grandes manifestations du Festival des Divinités. A Lomé, des spectacles ont eu lieu à l’Institut Français de Lomé.
Parler des divinités noires laisse sceptique plusieurs personnes car, disent-ils, il n’y a point de divinités blanches, ni jaunes, ni rouges. Qu’est-ce cette obsession du Noir ?. D’autres trouvent dans le mot, une certaine négritude à la Césaire et Senghor triturée à l’accès. Ces détracteurs qui surfent juste sur un nom donné à une manifestation, par l’association Acofin, ne font point ciller le Grand Maître des Divinités Noires Me Tété Yves Wilson-Bahun. Sa cause est noble : préserver le patrimoine immatériel des Noirs. Sa manifestation et son rêve, juste : réunir les grands couvents d’Afrique et de la Diaspora pour une fête digne des dieux du panthéon vaudou, des divinités d’Afrique et de sa diaspora « satanisées » par les cultes occidentaux et orientaux : christianisme et islam
La grande messe des divinités noires
Lors de la cérémonie d’ouverture, j’étais très étonné de voir des prêtresses brésiliennes vibrer au même diapason que les vaudoussis d’Aného. Ils chantaient presque la même chanson et reprenaient le même slogan. Les traces laissées par les divinités d’Afrique sont éloquentes. Tous les adeptes éparpillés par l’esclavage, la colonisation et aujourd’hui par l’exil volontaire ou involontaire se retrouvent dans ce festival. Pour Tété Wilson, ce ne sont pas que les vaudous qu’on célèbre, ce sont les divinités d’Afrique noire. Tous se retrouvent, parlent le même langage. Les pas fermes, les gestes lestes, les incantations sûres, les poules et les moutons égorgés, les cérémonies distillent un air mystique et mystérieux. Tous les ingrédients sont réunis, de la poule au mouton à immoler aux divinités pour ouvrir le chemin, baliser la voie pour une grande messe qui va durer cette année 10 jours.
Le novice ne se fait pas prier. Il assiste pantois à la scène de couteaux. Mus par la transe, ces adeptes venus d’Akoumapé se poignardent à plusieurs reprises, essaient de tracer des sillons dans les commissures de leur bouche jusqu’à leurs oreilles. Rien n’y fait. Pas une seule goutte de sang, ni de traces de couteaux. Le regard de la française Mélanie, qui ne croit plus en rien, se détourne très vite. Une envie de fuir, d’embrasser l’ailleurs !
Les Zangbéto, les gardiens de la nuit, tournent, tournicotent, …grandiloquent. La frénésie des pas de Guèlèdè du Bénin, leurs beaux costumes et masques cèdent le pas à un ballet dont la fièvre transporte. Quand parés de leurs atours, les kabyè kondonas, font leurs entrées remarquables, les regards se figent sur le petit vieux détenteur d’une force mystérieuse. Il surfe sur la danse. Il porte tous ses gris gris et talismans au cou comme des médailles militaires pendues aux chemises d’un ancien combattant de la période coloniale. Le clin d’oeil n’est que fortuit. L’image de l’instant est sublime. Les photographes, les vidéastes se ruent sur ce moment pour l’immortaliser. Le public est en extase. Le spectacle est total. Le passage des jeunes vierges bassar et des Adifos d’Adangbé font saliver comme des chiens pavloviens certains vicieux. Les danseurs du feu entrent dans le cercle. Tandis que des Français, Italiens, Belges convaincus de la nécessité de la danse vaudou exhument leurs danses apprises depuis l’Europe dans un univers où la vie est danse, le corps est rythme et le souffle est chant.
Un événementiel suscitant un grand engouement
La nouvelle route qui relie la capitale Lomé à Aného et Glidji est très animée lors de cette édition. Des bouchons se forment à l’entrée d’Aného, des incivilités entre chauffeurs pressés et les particuliers fusent. La place Acofin en face de la mer à Aného qui accueille la grande partie de la manifestation est noire de mondes. Un public estimé à plus de deux milles âmes est au rendez-vous durant tous les spectacles chaque jour. La programmation est mieux élaborée. Les horaires sont respectés, les pratiques expliquées. Le public est charmé par les prestations. Les Brésiliens ont porté dans leurs valises Jazz in bossa, un savoureux mélange des sonorités vaudous et du jazz, la danse vaudou. Ils se sont déplacés avec une grande prêtresse vaudou. Au Brésil, la popularité de ce Festival, un pont entre l’Afrique et la diaspora, n’est pas à démontrer.
De l’autre côté du décor, de grands bus sont mis à la disposition des centaines de festivaliers, chaque groupe est accompagné par au moins deux guides. Des maîtres queux des grands restaurants de la capitale Lomé sont à leurs services. Tous sont logés dans des hôtels. Rien ne manque pour rendre le séjour agréable aux Belges, Béninois, Brésiliens, Français, Italiens, Ghanéens et même Togolais .
La 6e édition du Festival des Divinités noires est un grand tournant ! Des spectacles ont dépassé le cadre folklorique, on tend vers des créations et des créativités, pour aiguiser l’appétit du public et combler les attentes. Des funérailles ont été même organisées aux victimes de l’esclavage. Le symbole est grand !
Étendre les danses aux quartiers et à la ville
Les scènes doivent s’étendre à toute la ville pour montrer non seulement le visage historique d’Aného mais aussi créer une sorte de pôle d’attractivité. Arriver à créer une déambulation des foules dans une ville oubliée et les amener à une grande communion le soir à la Place Acofin.
Vivement que l’Etat apporte des soutiens manifestent aux efforts de l’Association Acofin pour les aider à mettre ce Festival à la dimension du Festival de l’imaginaire.
Gaëtan Noussouglo © Togocultures